Apr 27, 2013
admin

Cafe Poet at the Blackwattle Cafe (2013)

I am very happy to announce that the Blackwattle Cafe will be hosting my cafe poet residency! It is an amazing place located directly on the Blackwattle Bay, Sydney Harbour. The house was formely known as the Bellevue.

I will be at the cafe twice a week starting on Wednesday, May 1st!

Here is the website for the project: http://dhdugas.tumblr.com/

blackwattle-cafe

THE SPIRIT OF THE TIME
A colour based text & image project by Daniel Dugas

The existence of colours precedes classification and human evolution on this planet. Sunsets were red and leaves were green long before their hues could be expressed in words. Colours are defined by pigmentation; a blue pigment is blue because it absorbs all of the colours except blue. Unlike pigments, words carry elements of realities but also aspects of fictions, of possible futures, as well as colour. Words are the vehicles that move the emotions, the symbols of our desires and our hopes, the emblems of our determination to face reality and trials. The names of colours are cultural reflections of certain moments in a timeline. They express the way we were, the way we are; THE SPIRIT OF THE TIME: the Zeitgeist, or the way we would like to be tomorrow.

Pantone, a corporation known for its colour systems and technology for design industries, understands this very well. In 2000, it inaugurated its Color of the Year program. This annual affair, rooted in marketing and mercantilism, has become a major influence on fashion. As a follow-up to 2011’s Honeysuckle, ‘a vibrant reddish-pink, perfect to ward off the blues’, Pantone Color Institute announced that Tangerine Tango had been selected to be the 2012 Color of the Year, ‘This spirited reddish orange, continues to provide the energy boost we need to recharge and move forward.’[1]

THE SPIRIT OF THE TIME will be a transmutation of the marketing landscape into a poetic landscape. By using commercially available color palettes as base material – swatches from Pantone, Martha Stuart, Behr, Sherwin-Williams and others – I intend to create a series of haiku-like short texts. Questions of subversion versus established social order is at the root of the project. From the collision of what is transmitted and what is received I would like to examine the fragile reality of existence in which we live. What can be said of colours with names such as Gypsy Moth, Powder Puff or Chocolate Cosmos?[2]

RESIDENCY AND EZINE
This project will be developed in the framework of a residency. I have been invited by Australian Poetry to participate in a six months residency through their Café Poet Program. This writing residency is for six months, from May 2013 to October 2013.

I have also been invited by JUICYHEADS, a New York based ezine / website, to be one of their poetry columnists. I will be contributing texts from THE SPIRIT OF THE TIME every two weeks for the duration of the residency.

WRITING PROCESS
I plan to write in one or the other of either French or English and to translate the texts to create a bilingual body of work. I envision my writing process to be divided into four steps:

1. Pick a pigment-sample from a colour palette.

2. Find an example in the city (Sydney) or the surrounding area of a colour that closely resembles the chosen pigment-sample. Take an image of the location as a mnemonic device.

3. Write a text at the Blackwattle Cafe.

4. Translate the text.

 

[1] http://www.pantone.com/pages/pantone/category.aspx?ca=88

[2] Sample colours from Complete Paint Palette – Martha Stewart Living

Apr 27, 2013
admin

Cafe Poet au Blackwattle Cafe (2013)

Je suis très content d’annoncer que le Blackwattle Cafe sera l’hôte de ma résidence d’écriture. C’est un endroit tout à fait fantastique situé directement sur le bord de la baie Blackwattle dans le port de Sydney. La maison était connue autrefois sous le nom de Bellevue.

Je serai au café deux fois par semaine et ça commence mercredi prochain, le 1er mai !

Voici le site web pour le projet : http://dhdugas.tumblr.com/

 

blackwattle-cafe

Description du projet
L’Esprit du temps
Un projet texte-image par Daniel Dugas

L’existence de la couleur précède l’exercice taxinomique qui voudrait la cerner. Elle précède l’évolution humaine sur cette planète. Les couchers de soleil ont toujours été rouges, les feuilles des arbres ont toujours été vertes, et ce bien avant que les mots aient pu les circonscrire.

Les couleurs sont définies par la pigmentation : un pigment bleu est bleu, car il absorbe toute les couleurs sauf le bleu. Les mots, comme les pigments, portent en eux des éléments de la réalité physique qui nous entoure, mais ils sont également porteurs de fictions, de constructions imaginaires qui n’ont pas de modèles dans la réalité. Les mots sont les véhicules qui transportent les émotions, les symboles de nos désirs, de nos espoirs. Ce sont les emblèmes de notre détermination à affronter le réel. Les noms donnés aux couleurs sont des réflexions culturelles, des images-miroirs de notre société. Ils expriment ce que nous sommes, maintenant, le Zeitgeist : l’esprit du temps.

Pantone, une société connue pour ses systèmes de couleurs et ses nuanciers, a très bien compris ce phénomène. En 2000, l’entreprise a inauguré son programme Couleur de l’année. Cette opération annuelle, enracinée dans la commercialisation et le mercantilisme, est rapidement devenue une influence majeure dans le milieu de la mode. Pour succéder au Rose Chèvrefeuille, l’institut Pantone vient d’élire comme couleur de l’année 2012, le Tango mandarine.

L’Esprit du temps est un projet de transmutation du paysage publicitaire en paysage poétique. En utilisant les cartes des échantillons de couleurs disponibles dans le commerce — les nuanciers de Pantone, Martha Stuart, Behr, Sherwin-Williams —, j’ai l’intention de créer une série de courts textes qui se situera entre la satire et l’ironie. Je tiens à explorer la fragile réalité du monde dans lequel nous vivons en examinant l’écart entre l’encodage des messages publicitaires et le décodage de ces messages par le public. Car que peut-on dire d’une société qui baptise ses couleurs de noms aussi évocateurs que Mur d’école, Étincelle d’amour ou Croûte de biscuit Graham[1]?

Résidence et webzine
Ce projet de création se développera dans un contexte de résidence. J’ai été invité par l’association Australian Poetry à participer au programme Cafe Poets. Cette résidence d’écriture de six mois aura lieu de mai 2013 à octobre 2013. Je serai en résidence au Blackwattle Cafe, à Sydney.

J’ai également été invité par JUiCYHEADS[2], un webzine de New York à écrire des chroniques sur la poésie. Des textes extraits de L’Esprit du temps seront publiés sur une base bimensuelle, et ce pour toute la durée de la résidence. Je joins une lettre d’invitation de Pamela Heller, la directrice éditoriale de JUiCYHEADS.

Processus créatif
Les textes seront écrits en français et traduits en anglais. Ce processus créatif sera divisé en quatre étapes :

1. Sélectionner un pigment dans un des nuanciers ;

2. Trouver un exemple, dans la ville ou la région environnante, d’une couleur se rapprochant du pigment sélectionné. Prendre une photo du lieu comme outil mnémonique ;

3. Écrire un texte au Blackwattle Cafe de Sydney ;

4. Traduire le texte.

 

[1] Échantillon de la palette de couleur de Martha Stewart Living.

[2] http://juicyheads.com/

Apr 26, 2013
admin

Ce que nous voyons, ce qui nous regarde – Georges Didi-Huberman

Compte rendu
Ce que nous voyons, ce que nous regardons
Editions de Minuit, Collection « Critique », Paris, 1992

Mots clés : art, aura, étrangeté, image, jeu, minimalisme, perte, phénoménologie, psychanalyse, présence, scission, tombeau.

Georges Didi-Huberman est philosophe et historien de l’art. Il a publié une trentaine de livres sur la théorie des images en plus de diriger plusieurs expositions. Il enseigne à l’École des hautes études en sciences sociales à Paris.

*

Lorsque nous regardons quelque chose, lorsque nous voyons cette chose, nous ressentons en fait ce qui nous échappe. Voir c’est perdre, voilà l’essentiel du discours de Georges Didi-Huberman[1].

Il est l’auteur du livre Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, un texte extrêmement dense qui s’articule autour des théories de la psychanalyse et de la phénoménologie et qui tente de faire la lumière sur les modalités du visible. Que se passe-t-il lorsque nous « […] posons les yeux sur la mer, un être qui meurt ou bien une œuvre d’art » (p.14)? Ce questionnement, Didi-Huberman le qualifie lui-même « d’obsédant, car […] quand nous voyons ce qui est devant nous, pourquoi quelque chose d’autre toujours nous regarde, à imposer un dans, un dedans? [2]» (p.10).

*

1. L’inéluctable scission du voir

Le titre du premier chapitre annonce un événement qui ne peut être évité. Cette inévitabilité dont parle Didi-Huberman, c’est la scission du voir, c’est-à-dire un éclatement intérieur engendré par l’acte de voir. Pour Sigmund Freud, ce choc est une angoisse, un véritable tremblement de terre dans le cœur de l’homme.

Le livre s’ouvre sur un passage d’Ulysse de James Joyce qui vient fournir plusieurs pistes de réflexion sur l’élaboration de la thèse de Didi-Huberman. L’auteur affirme même que le texte de Joyce « donne […] toutes les composantes théoriques qui font d’un simple plan optique, que nous voyons, une puissance visuelle […] »  (p.13). Trois éléments nous intéressent : l’attestation des limites de l’ensemble des mécanismes physiologiques reliés à la vision; l’évocation de la participation d’autres sens que la vision pour voir (le toucher par exemple : « […] voir ne se pense et ne s’éprouve ultimement que dans une expérience du toucher […] » [p.11])  [3] ; et l’importance du jeu rythmique (c’est dans le mouvement, dans les allers-retours entre ce qui est loin et ce qui est proche, entre l’œil et l’objet regardé, que l’image prend forme).

2. L’évitement du vide : croyance ou tautologie

Afin d’illustrer cette angoisse et ce sentiment de perte, Didi-Huberman utilise la « situation exemplaire » (p.17) du tombeau. Cette forme, constituée d’un volume et d’un vide, est le lieu d’une profonde angoisse. Devant un tombeau, nous nous trouvons devant une situation paradoxale. D’un côté, la mort est une expérience commune inscrite dans le parcours de chacun de nous. Mais d’un autre côté, nous sommes incapables de l’expliquer, puisque personne n’en est revenu :

Devant le tombeau je tombe […] dans l’angoisse […]. C’est l’angoisse de regarder au fond – au lieu – de ce qui me regarde, l’angoisse d’être livré à la question de savoir (en fait : de ne pas savoir) ce que devient mon propre corps, entre sa capacité à faire volume et sa capacité à s’offrir au vide, à s’ouvrir. (p.18)

Devant un tel dilemme deux choix s’offrent à nous : celui de l’homme tautologique qui reste en « deçà de la scission » (p.18) et ne voit que ce qu’il voit, ou celui de l’homme de la croyance qui se porte « au-delà de la scission » (p.20) et voit dans le volume et le vide, quelque chose d’autre. Le premier « récuse l’aura dans l’objet » (p. 19) et le second rejette le pouvoir « inquiétant de la mort » (p.20).

3. Le plus simple objet à voir

La vision de l’homme tautologique trouve une mise en œuvre plastique dans le travail des artistes américains des années 60. Le mouvement minimaliste, tel que baptisé par Richard Wollheim, voulait demeurer dans l’expérience du visible tout en offrant un minimum de contenu. Il s’agissait, pour des artistes comme Donald Judd et Robert Morris, d’éliminer toute illusion, tout détail, toute temporalité, tout anthropomorphisme. Il fallait « imposer [les œuvres] comme des objets à voir toujours immédiatement, toujours exactement comme [elles] sont » (p.33), en faire des objets sans aura, des objets qui « ne nous regarde pas » (p.36), des objets spécifiques. Le minimalisme n’aura rien voulu donner à l’homme de la croyance.

4. Le dilemme du visible, ou le jeu des évidences

D’après Didi-Huberman, la rigueur de ce mouvement artistique, qui entendait créer une « présence spécifique », pose problème. L’auteur cite une phrase contradictoire de Donald Judd, dans laquelle ce dernier tente de défendre la simplicité de l’objet minimaliste : « les formes, l’unité […] l’ordre et la couleur sont spécifiques, agressifs, et forts ». Pour Didi-Huberman, comme pour Rosalin Krauss avant lui, cette énonciation successive de qualités, somme toute fort différentes, « évoquerait […] un univers de l’expérience intersubjective donc un enjeu relationnel » (p.38). La « spécificité » même de l’objet, au cœur des motivations minimalistes, s’en trouverait irrémédiablement ébranlée.

Cette contradiction dans le discours de Judd est à l’origine du « dilemme » entre spécificité et présence. Michael Fried, critique d’art moderne et auteur d’un texte célèbre intitulé Art and Objecthood, allait s’opposer à Judd de façon catégorique. Aux yeux de Didi-Huberman, c’est là un faux dilemme « un cercle vicieux, une comédie » (p.49), qui oppose l’évidence optique à l’évidence de la présence. Le vrai problème ne réside, non pas dans ce que nous voyons, ni dans ce qui nous regarde, mais dans l’interstice entre les deux :

Les pensées binaires, les pensées du dilemme sont donc inaptes à saisir quoi que ce soit de l’économie visuelle comme telle. Il n’y a pas à choisir entre ce que nous voyons […] et ce qui nous regarde […]. Il n’y a qu’à s’inquiéter de l’entre. (p.51)

Pour sortir de l’impasse créée par ce faux dilemme, pour « dépasser […] l’opposition du visible et du lisible » (p.85), il faut se concentrer sur la scission elle-même et cela ne peut être fait qu’en dialectisant l’image, c’est-à-dire en dynamisant ses mouvements et ses oppositions.

5. La dialectique du visuel, ou le jeu de l’évidement

Cette dialectique du visuel est examinée à la lumière du jeu de la bobine (ou Fort/Da). Freud observe l’enfant qui joue à lancer son jouet, à le faire disparaître et réapparaître. Cette alternance entre présence et absence reproduirait les tensions du rapport entre l’enfant et sa mère et serait à la source de l’étonnement de l’enfant qui après avoir perdu son jouet, le retrouve comme par magie. Il ne pourrait y avoir d’étonnement sans l’angoisse reliée à la perte.

C’est avec ces fondements théoriques que Didi-Huberman analyse les œuvres d’artistes minimalistes et plus particulièrement celles de l’Américain Tony Smith. Après avoir décrit la genèse, la formalité et la rigueur géométrique des cubes de Smith, l’auteur se demande comment un objet aussi simple qu’un cube se transforme en un objet complexe. La réponse se trouve dans le rapport que le spectateur entretient devant l’objet. Un rapport de jeu qui, à bien des égards, est similaire au jeu de l’enfant et de sa bobine. Un rapport fait d’allers-retours, d’oscillations, d’angoisse et de rire :

Une sculpture de Tony Smith […] serait […] envisageable comme un grand jouet […] permettant d’œuvrer dialectiquement, visuellement, la tragédie du visible et de l’invisible, de l’ouvert et du fermé, de la masse et de l’excavation […] le jeu inventerait un lieu pour l’absence (…) (p.77-78).

6. Anthropomorphisme et dissemblance

Même si les cubes de Tony Smith sont des objets simples, dépourvus de détails, il y a toujours une « inquiétante étrangeté » [4] qui les anime. Elles sont « bien trop géométriques pour ne pas cacher quelque chose comme des entrailles humaines », disait Didi-Huberman (p.88). Il y a dans la réalité de ces sculptures, quelque chose de la réalité humaine, un anthropomorphisme à l’œuvre. L’échelle humaine y joue certainement un rôle déterminant :

[…] le cube devant nous est debout, aussi haut que nous […], mais il est, tout aussi bien, couché; à ce titre, il constitue un lieu dialectique où nous serons peut-être obligés, à force de regarder, de nous imaginer gisant dans cette grande boîte noire (p.94).

Quoi qu’il en soit, l’objet s’est transformé en « quasi-sujet » et possède une « présence ». Le vide à l’intérieur des cubes devient le vide à l’intérieur des hommes. Pour Didi-Huberman, cette double distance est essentielle.

7. La double distance

Walter Benjamin disait de l’aura que c’était « l’unique apparition d’un lointain, si proche qu’elle puisse être » (p.103). Il parlait déjà de la distance et du pouvoir oscillatoire exercé par le regard. Il parlait aussi du pouvoir de la mémoire d’aller au-delà de ce qui est devant nous, de ce que l’on « regarde […] et qui nous échappe […] tout à la fois » (p.104). Si l’expérience auratique a longtemps été reliée au culte, c’est dû à son caractère inapprochable. D’après Didi-Huberman il faudrait séculariser la notion d’aura, la redonner aux hommes, à tous les hommes, car l’expérience humaine, qu’elle soit expérience esthétique ou expérience de la vérité appartient à tout le monde. Il s’agirait en fait de réactualiser l’aura, de créer une nouvelle dimension du sublime.

La notion de distance et de profondeur est une occasion pour Didi-Huberman de réintroduire la phénoménologie de l’aura et de revenir sur les écrits de Merleau-Ponty.

8. L’image critique

Le but de toute image est d’être authentique et elle ne peut accéder à cet état qu’en étant une image dialectique, c’est-à-dire en agitant, en remuant, en bouleversant les sens de l’origine, pour « devenir elle-même […] origine » (p.133). Pour arriver à cette transformation, il doit y avoir un travail critique de la mémoire. Ce n’est qu’à travers celle-ci que l’image dialectique pourra donner « la formulation d’un possible dépassement du dilemme de la croyance et de la tautologie » (p.135). L’image dialectique serait donc « le lieu par excellence où pourrait s’envisager ce qui nous regarde vraiment dans ce que nous voyons » (p.148).

9. Forme et intensité

Afin de résoudre le problème de la forme et de la présence, Didi-Huberman utilise le concept de la « différence »[5] tel que proposé par Jacques Derrida, concept qui « recouvre à la fois le retard d’une “présence toujours différée” et l’espèce de lieu d’origine » (p.156). Ce qu’on entend n’est pas toujours ce qui est écrit et ce que l’on voit n’est pas toujours ce qui est devant nous. En d’autres mots : « l’aura n’est pas un indice d’une présence […], mais l’indice de l’éloignement lui-même, son efficace et son signe à la fois […] » (p.156). Si l’aura est un indice de l’éloignement, elle ne serait que le « simulacre d’une présence » (p157), une trace sujette à s’effacer ou à se « déformer » (p169). Afin d’élucider ce problème, Didi-Huberman retrace les expériences faites par les formalistes russes en soulignant les analogies avec la métapsychologie freudienne et en particulier avec le concept de « l’inquiétante étrangeté » : « cette sorte de l’effrayant qui se rattache aux choses connues depuis longtemps, et de tout temps familières[6] ». L’étrangeté serait de voir ce qui n’est pas énoncé en totalité, un travail de reconstruction fait par la mémoire et le danger le plus grand serait « de risquer de ne plus voir » (p.181), de ne plus exister, de mourir. « L’inquiétante étrangeté » surgit lorsque nous sommes désorientés. C’est cette angoisse qui met en lumière l’expérience de la déchirure, de la perte, c’est elle qui « définit toute notre expérience, quand s’ouvre jusqu’en nous ce qui nous regarde dans ce que nous voyons » (p.185).

10. L’interminable seuil du regard

Le dernier chapitre du livre est étonnant à plusieurs égards. Didi-Huberman remet en scène les James Joyce, Tony Smith, Robert Morris, Walter Benjamin, Franz Kafka et réussit, comme dans un jeu de points à relier, à tracer les contours des « constellations[7] » de l’inquiétude et de l’angoisse humaine.

Nous nous déplaçons alternativement entre la porte de Kafka et les boîtes de Tony Smith, entre le tombeau de l’un et le tombeau de l’autre. Après tout, voilà deux hommes reliés par la tuberculose et l’appréhension de la mort. On pourrait également mettre en relation les boîtes noires de Tony Smith et les téfilines de la religion juive chez Kafka[8].

Qu’est-ce que Didi-Huberman a voulu dire en rédigeant son dernier paragraphe au rythme de L’Ecclésiaste : Un temps pour tout?[9] S’agit-il d’un désir de réancrer le problème de l’aura et de l’objet dans l’expérience spirituelle propre à l’homme ? Suivons la cadence de Didi-Huberman :

[…] un temps pour regarder les choses s’éloigner jusqu’à perte de vue […] un temps pour se sentir perdre le temps jusqu’au temps d’avoir vu le jour […] un temps enfin pour se perdre soi-même […] (p.200)

C’est la même musique qui anime L’Ecclésiaste :

Il y a temps pour tout, et chaque chose sous le ciel a son heure :
Temps de naître et temps de mourir,
Temps de tuer, temps de guérir,
Temps de planter, temps de détruire […]

Rappelons que L’Ecclésiaste est un texte qui parle de la brièveté de la vie, mais qui insiste surtout sur l’inévitabilité de la mort. C’est une réflexion sur la plus grande angoisse humaine, celle de disparaître : « car il n’y aura ni activité, ni pensée, ni savoir, ni sagesse dans le schéol vers lequel se dirigent tous tes pas[10] ».

Dans un dernier soubresaut d’illumination — portes tournantes, boucles du sens —, Didi-Huberman évoque à nouveau l’imago[11], le concept d’image qui est aussi une effigie funéraire romaine. Il serait difficile de ne pas superposer la multitude de sens de cet imago : l’image, l’effigie, mais aussi la transformation biologique — presque une réincarnation (insecte) —, la transformation psychologique et physique (la métamorphose de Kafka) et le sens que lui donne la psychanalyse (figure archétypale chez Jung et modèle chez Freud). Le texte, et toutes les couches de sens qu’il contient, semble gagner lui aussi en vitalité. En guise de conclusion, Didi-Huberman affirme, comme à la fin d’un long voyage : « [e]t tout cela, pour finir par être soi-même une image » (p.200).

*

Daniel Dugas a travaillé pendant une dizaine d’années sur ses propres cubes, créant tour à tour Le Cube-Aleph[12] (1984-1985), un grand cube inspiré de la nouvelle de Borges L’Aleph et de la notion d’infini énoncé dans le théorème de Cantor; Erica, les boîtes noires[13] (1988); La Boîte rouge[14] (1989); Cowboy-Caruso[15] (1990) et La Nouvelle boîte de Pandore[16] (1991). Depuis 1991, il se consacre à la production vidéographique et à l’écriture.

 

Daniel Dugas, le 30 avril 2013

pdf PDF (266 kb)


[1] « […] quand voir, c’est sentir que quelque chose inéluctablement nous échappe, autrement dit : quand voir c’est perdre », Ce que nous voyons, ce qui nous regarde, p. 14.

[2] Il serait intéressant de comparer Ce que nous voyons, ce qui nous regarde avec La poétique de l’espace de Gaston Bachelard,  en particulier le chapitre intitulé  La dialectique du dehors et du dedans.

[3] Cette opération d’organisation des données sensorielles par plusieurs sens s’appelle en fait la phénoménologie, et Didi-Huberman reviendra avec insistance sur l’apport des théories de Merleau-Ponty.

[4] L’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche en allemand) est un concept freudien. L’essai, paru en 1919 analyse le malaise né d’une rupture dans la rationalité rassurante de la vie quotidienne. [En ligne], Wikipédia, http://fr.wikipedia.org/wiki/L’inquiétante_étrangeté (page consultée le 24 avril 2013).

[5] Concept que les mots et les signes ne peuvent jamais pleinement réaliser de suite ce qu’ils signifient, mais ne peut être définis que par le biais de recours à d’autres termes desquels ils diffèrent. [En ligne], Wikipédia, http://fr.wiktionary.org/wiki/différance (page consultée le 24 avril 2013).

[6] Sigmund Freud, L’inquiétante étrangeté (Das Unheilmliche), 1919,  p.7, [en ligne],

http://classiques.uqac.ca/classiques/freud_sigmund/essais_psychanalyse_appliquee/10_inquietante_etrangete/inquietante_etrangete.pdf (page consultée le 24 avril 2013).

[7] « Auratique, par conséquent, serait l’objet dont l’apparition déploie, au-delà de sa propre visibilité, ce que nous devons nommer ses images, ses images en constellations ou en nuages […] » p.105

[8] Téfiline – aussi appelé Phylactère: Boîte cubique en cuir (noire) contenant quatre versets de la Bible inscrits sur des rouleaux de parchemin, que les Juifs s’attachent au bras et au front pendant la prière du matin. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, [en ligne],  http://www.cnrtl.fr/definition/Phylactère (page consultée le 24 avril 2013).

[9] L’Ecclésiaste, Un temps pour tout est attribué à Cohélet, le fils de David et roi d’Israël à Jérusalem.Traduit de l’hébreu et commenté par Ernest Renan, Arléa, Paris, 1990. D’autres liens pourraient être relevés entre L’Ecclésiaste et Ce que nous voyons, ce qui nous regarde.  On pourrait noter entre autre ce passage dans le premier chapitre : « Tout est difficile à expliquer ; l’homme ne peut rendre compte de rien ; l’œil ne se rassasie pas à force de voir ; l’oreille ne se remplit pas à force d’entendre. »

[10] Id., ibid., chapitre 21.  Scheol : Encyclop. t. 5, p. 665b, s.v. enfer: le mot hébreu scheol se prend indifféremment pour le lieu de la sépulture, et pour le lieu de supplice réservé aux réprouvés. Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, [en ligne], http://www.cnrtl.fr/definition/schéol (page consultée le 24 avril 2013).

[11] « Il était déjà question de cela au Moyen Âge, par exemple, lorsque les théologiens ressentirent la nécessité de distinguer du concept d’image (imago) celui de vestigium : le vestige, la trace, la ruine. » p.14. Pour plus d’informations sur le concept de l’imago voir Le Dictionnaire des Antiquités Grecques et Romaines de Daremberg et Saglio : [en ligne], http://dagr.univ-tlse2.fr/sdx/dagr/feuilleter.xsp?tome=3&partie=1&numPage=393&filtre=imago&nomEntree=IMAGINES%20MAJORUM

[12] Le Cube-Aleph : http://daniel.basicbruegel.com/cube-aleph/

[13] Erica, les boîtes noires : http://daniel.basicbruegel.com/erica/

[14] La Boîte rouge : http://daniel.basicbruegel.com/88/

[15] Cowboy-Caruso : http://daniel.basicbruegel.com/cowboy-caruso-1990/

[16] La Nouvelle boîte de Pandore : http://daniel.basicbruegel.com/la-boite-de-pandore-1991/

Apr 11, 2013
admin

Insomnie at La parola immaginata (2013)

Insomnie (2012) has been selected for the 6th EDITION of the video poetry competition LA PAROLA IMMAGINATA in Treviglio, Italy.

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La parola immaginata

CONCORSO INTERNAZIONALE DI VIDEOPOESIA VI – edizione (2013)

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Trevigliopoesia is VIDEOPOETRY: Video-Art, Video Documentary and Poetry Film.
The word as language but also a symbol that becomes an element as the expression of thoughts, images, visions of the poets and their lives. Combining inspirations and influences from the field of philosophy, music, theatre and literature the result of the artistic creation meet the public showing the perfect union between POEM and VIDEO.

Under the patronage of the Office of Culture of the town of Treviglio, the arts association Nuvole in viaggio advertises the sixth edition of the video poetry competition LA PAROLA IMMAGINATA.

6th EDITION FINALISTS

  • ALMADHOUN, Ghayath / SILKEBERG, Marie – “Your Memory is My Freedom” (Sweden)
  • CAPDEVILA, Marc / ZANOGUERA, Tià / BALASCH, Albert – “A fora” (Spain)
  • DALLA LIBERA, Antonio – “Firenze sovietica” (Italy)
  • DIEM, Melissa – “The one about the bird” (Ireland)
  • DUGAS, Daniel – “Insomnia” (Canada)
  • GEMMI, Alberto – “Go Burning Atacama Go” (Italy)
  • LeBLANC, Valerie – “Missing Parade Notes” (Canada)
  • NEYES, Marc (Swoon) – “Drift” (Belgium)
  • PEETERS, Jan – “Guesswork. Variation 8″ (Belgium)

SPECIAL MENTION UNDER 20

  • CASCONE, Graziano / MARCHETTI, Ilaria (Liceo Artistico Statale Casorati di Novara) – “L’alba” (Italy)

 

NEXT STEPS

  • all the videos are going online at www.videopoesia.org by the end of april
  • selected videos are going to be shown in TREVIGLIOPOESIA 2013 (details soon available on this site); the winner is going to be announced during the last evening event of the Festival (june 2, 2013)

 

La parola immaginata

CONCORSO INTERNAZIONALE DI VIDEOPOESIA VI – edizione (2013)

L’Associazione culturale Nuvole in viaggio, con il patrocinio e il sostegno dell’Assessorato alla Cultura del Comune di Treviglio, indìce la sesta edizione del concorso internazionale di videopoesia LA PAROLA IMMAGINATA.

Hanno partecipato al concorso opere in video (edite o inedite), realizzate a partire dall’anno 2011, che abbiano come riferimento una poesia (edita o inedita): libere ri- creazioni – per immagini, suoni e parole – di testi poetici.

I FINALISTI DELLA VI EDIZIONE

  • ALMADHOUN, Ghayath / SILKEBERG, Marie – “Your Memory is My Freedom” (Sweden)
  • CAPDEVILA, Marc / ZANOGUERA, Tià / BALASCH, Albert – “A fora” (Spain)
  • DALLA LIBERA, Antonio – “Firenze sovietica” (Italy)
  • DIEM, Melissa – “The one about the bird” (Ireland)
  • DUGAS, Daniel – “Insomnia” (Canada)
  • GEMMI, Alberto – “Go Burning Atacama Go” (Italy)
  • LeBLANC, Valerie – “Missing Parade Notes” (Canada)
  • NEYES, Marc (Swoon) – “Drift” (Belgium)
  • PEETERS, Jan – “Guesswork. Variation 8″ (Belgium)

 

VIDEO SELEZIONATO FUORI CONCORSO – MENZIONE SPECIALE UNDER 20

  • CASCONE, Graziano / MARCHETTI, Ilaria (Liceo Artistico Statale Casorati di Novara) – “L’alba” (Italy)

 

LE PROSSIME TAPPE DEL CONCORSO

  • entro la fine di aprile tutti i video saranno messi online e saranno visibili sul sito www.videopoesia.org
  • i video saranno presentati all’interno di TREVIGLIOPOESIA 2013 (il programma completo sarà a breve disponibile sul sito); il video vincitore sarà proclamato nel corso dell’ultima serata del festival (2 giugno 2013)

Apr 3, 2013
admin

L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin

Compte rendu
L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, Walter Benjamin,
dernière version 1939, Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000. pp. 269-316

CONTEXTE

L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique a été écrit par le philosophe et historien de l’art Walter Benjamin (1892-1939) dans un contexte de tensions politiques et de bouleversements économiques. Le monde occidental a dû faire face, dans un court laps de temps, à une série de crises aux conséquences étendues : la Première Guerre mondiale (1914), la révolution russe (1917), la formation de l’U.R.S.S. (1922), la montée du fascisme (1922), le krach économique (1929), et finalement l’instauration du régime nazi (1933). Alors qu’en 1935 Benjamin écrivait la première version de son essai, les Jeux olympiques de Berlin s’organisaient et la cinéaste Leni Riefenstahl était sur le point de réaliser son célèbre film de propagande Les Dieux du stade (Olympia).

La dernière version de L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique a été rédigée en 1939. L’année suivante, Benjamin se suicidait à la frontière espagnole en tentant de fuir le régime nazi. Le texte a été publié à titre posthume en 1955 et demeure une référence incontournable de l’histoire de l’art.

Reproduction technique

D’après Walter Benjamin, l’oeuvre d’art a toujours été reproductible. L’homme a toujours voulu la reproduire que ce soit pour apprendre (élèves), diffuser (artistes), ou en tirer un profit (marchands). Si les conditions de productions chez les Grecs ne permettaient qu’une reproduction manuelle des œuvres d’art, l’apparition de nouvelles techniques comme la gravure sur bois et la lithographie, puis la photographie et le cinéma ont créé de nouvelles conditions de productions. Ces nouvelles modalités ont transformé le caractère de l’œuvre d’art en la dépouillant de son authenticité, bouleversant du coup notre perception de la réalité.

La première fonction de l’œuvre d’art était d’inspirer le recueillement et « trouvait son expression dans le culte » (p.280). La qualité fondamentale de l’œuvre d’art était d’être unique par rapport à un lieu :

Ce qui fait l’authenticité d’une chose est tout ce qu’elle contient de transmissible par son origine, de sa durée matérielle à son pouvoir de témoignage historique (p.275).

Benjamin introduit ici un concept important, celui de l’aura, qu’il définit comme étant « l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il » (p.278). Cette authenticité est à la source de toute œuvre d’art, c’est le souffle de vie qui émane de la chose, c’est le hic and nunc, ce qui existe ici et maintenant. Et c’est cette couche de sens, cette valeur culturelle, qui disparaît avec la reproduction. Benjamin ne peut être plus clair : […] « à l’époque de la reproductibilité technique, ce qui dépérit dans l’œuvre d’art, c’est son aura » (p.276).

Les nouvelles techniques de reproduction ont amené l’œuvre d’art à « s’émancipe[r] de l’existence parasitaire qui lui était impartie dans le cadre du rituel » (p.281). L’œuvre d’art ne se fonde plus sur le rituel, mais sur la politique. Cette politisation de l’art, il faut le rappeler, est un des fondements de la pensée marxiste et s’oppose à l’esthétisation de l’art telle que préconisée par les fascistes. Ce changement d’origine et d’intention est fondamental à la réception de l’œuvre d’art : magique et secrète, elle devient objective et publique.

La valeur culturelle de l’œuvre d’art s’éclipse peu à peu en faveur d’une valeur d’exposition qui met l’accent sur la nouveauté. Benjamin qualifie ce passage, d’une valeur à une autre, de « bouleversement historique » qui « transforme [rait] le caractère général de l’art » (p.287) et nomme le film comme l’agent d’ébranlement le plus puissant :

Leur agent le plus puissant est le film. Même considérée sous sa forme la plus positive, et précisément sous cette forme, on ne peut saisir la signification sociale du cinéma si l’on néglige son aspect destructeur, son aspect cathartique : la liquidation de la valeur traditionnelle de l’héritage culturel (p.276).

Image cinématographique

Les fondations de l’art sont secouées par l’apparition des nouvelles techniques et plus particulièrement par l’infrastructure[1] du cinéma qui transforme le caractère d’unicité propre à l’œuvre d’art. Contrairement aux formes d’art traditionnelles, les conditions de reproduction du cinéma sont inséparables de sa technique :

On pourrait dire, de façon générale, que la technique de reproduction détache l’objet reproduit du domaine de la tradition. En multipliant les exemplaires, elle substitue à son occurrence unique son existence en série. Et en permettant à la reproduction de s’offrir au récepteur dans la situation où il se trouve, elle actualise l’objet reproduit (p.276).

La représentation schématique et linéaire du processus cinématographique positionne l’appareillage (la caméra, le micro, les projecteurs et la pellicule) entre la performance de l’acteur et le spectateur, soumettant ainsi le performeur à un véritable « test optique ». Ce processus de médiation morcèle l’image, qui devint dès lors « […] détachable, transportable » (p 294). L’acteur doit « agir, avec toute sa personne vivante, mais en renonçant à son aura. Car l’aura est liée à son hic et nunc. Il n’en existe aucune reproduction » (p.291). C’est là le paradoxe du cinéma que d’exiger la reproduction de l’œuvre d’art tout en détruisant l’aura qui s’y rattache. La transformation du cinéma est donc double :

Ce qui caractérise le cinéma n’est pas seulement la manière dont l’homme se présente à l’appareil de prise de vues, c’est aussi la façon dont il se représente, grâce à cet appareil le monde qui l’entoure (p.303).

Cette disparition de l’aura n’est cependant pas une chose négative, c’est grâce à cette absence que le spectateur devient un participant actif[2].

COMMENTAIRES

Walter Benjamin soutient que « le film est la forme d’art qui correspond à la vie de plus en plus dangereuse à laquelle doit face l’homme d’aujourd’hui. Le besoin de s’exposer à des effets-chocs est une adaptation des hommes aux périls qui les menacent » (p.309). Si cette assertion était vraie dans les années trente, nous sommes en droit de nous demander si elle l’est toujours aujourd’hui. Pour y répondre, il faut commencer par identifier le type d’art qui nous ressemble. L’invention qui nous caractérise n’est pas un appareil optique comme la caméra, ni une série de procédés chimiques et mécaniques utilisés pour la gravure, c’est plutôt un système de numération : le code binaire. Comme la photographie et comme le cinéma, la révolution numérique (1980-2000) sera venue bouleverser les modalités des modes de reproduction et nous aura encore une fois forcées à redéfinir les limites de ce qu’on appelle la réalité. Pour amplifier ce que Benjamin disait du cinéma, on pourrait dire : Ce qui caractérise le [numérique] n’est pas seulement la manière dont l’homme se présente à [la technologie], c’est aussi la façon dont il se représente, grâce au [code binaire], le monde qui l’entoure.[3]

L’Office québécois de la langue française définit ainsi le numérique : « ensemble des techniques qui permettent la production, le stockage et le traitement d’informations sous forme binaire »[4] (je souligne). C’est l’organisation binaire qui permet la reproduction illimitée des œuvres d’art, et les enjeux de ce phénomène sont nombreux : réglementation et politiques, piratage informatique et violation du droit d’auteur. Récemment, un jugement d’un tribunal américain donnait gain de cause à la maison d’édition de disques Capitol Records qui soutenait que la firme ReDigi violait ses droits d’auteur. ReDigi, un service infonuagique d’achat et de vente de fichiers musicaux « usagés » soutenait que la réglementation « qui permet la revente sans droit d’auteur de livres d’occasion » devrait s’appliquer à leur entreprise. Les implications de ce jugement sont immenses et pourraient mettre un frein à la revente de musique numérique « d’occasion » [5].

On peut le voir, les conséquences du numérique ne sont pas encore claires, et les défis qu’il présente restent à négocier. Benjamin disait de l’homme qu’il avait toujours voulu reproduire les œuvres d’art, mais il est fort à parier qu’il eût envisagé que les marchands fussent si assoiffés de monopole.

Daniel Dugas, 3 avril 2013

 PDF (180kb)

 


[1] Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales, Infrastructure, PHILOS. MARXISTE. Ensemble des forces productives et des rapports de production qui servent de base à l’idéologie et aux instances politiques et juridiques qui la reflètent. [en ligne], http://www.cnrtl.fr/definition/infrastructure (page consultée le 2 avril 2013).

[2] Sur les transformations et le rôle du spectateur, voir le Théâtre de l’opprimé. Augusto Boal y développa dans les années 70 le concept de spec-tateur, une méthode de théâtre interactif qui transforme le spectateur passif en acteur. [en ligne], http://www.theatredelopprime.com/quinoussommes.html  (page consultée le 2 avril 2013).

[3] Ce qui caractérise le cinéma n’est pas seulement la manière dont l’homme se présente à l’appareil de prise de vues, c’est aussi la façon dont il se représente, grâce à cet appareil, le monde qui l’entoure. L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, dernière version 1939, Œuvres III, Paris, Gallimard, 2000. (p. 303).

[4] Office québécois de la langue française, Fiche terminologique de Numérique : [en ligne], http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8360889 (page consultée le 2 avril 2013).

[5] « La justice américaine statue contre la revente de musique “d’occasion” en numérique ». Le Monde – Technologies, [en ligne], (Mardi, 2 avril 2013). http://www.lemonde.fr/technologies/article/2013/04/02/la-justice-americaine-statue-contre-la-revente-de-musique-d-occasion-en-numerique_3151661_651865.html (page consultée le 2 avril 2013).

 

Mar 20, 2013
admin

Rhétorique de l’image, Roland Barthes

Compte rendu
Rhétorique de l’image, Roland Barthes
Communications, 1964, Volume 4, Issue 4, pp. 40-51

Mots clés : Barthes, image, photographie, Manovich, Marketing, Panzani, publicité, sémiotique

Rhétorique de l’image

Roland Barthe (1915-1980) est un sémiologue et un écrivain français. Il est l’une des grandes figures du mouvement des structuralismes, un courant issu de la linguistique qui envisage la réalité comme un ensemble formel de relations. On lui doit de nombreux ouvrages dont Le degré Zéro de l’écriture (1953), Mythologie (1957), S/Z (1970) ainsi que La Chambre claire : Note sur la photographie (1980). Le texte Rhétorique de l’image a été publié dans la revue Communication en 1964, poursuivant ainsi l’exploration entamée dans Le message photographique (1961) dans lequel l’auteur développait l’idée de la photographie comme un message sans code. [1]

Concepts

D’après Jean-Marie Klinkerberg, la figure rhétorique serait : « […] un dispositif consistant à produire des sens implicites, de telle manière que l’énoncé où on le trouve soit polyphonique. »[2] Ce texte de Roland Barthes est donc une analyse des signes et des sens créés par l’image.

La communication entre les hommes se fait de deux façons : elle peut s’exprimer dans un mode digital, fait de signes et de paroles ou dans un mode analogique, fait de gestes et de postures. On caractérise le premier d’explicite  (il est clairement formulé), alors que le deuxième est implicite (son interprétation est sous-entendue). Le message linguistique fait partie du code digital alors que l’image se situe dans le code analogique.

La question posée par Barthes est de savoir si l’image, qui est une représentation analogique de la réalité, peut aussi être un code. Est-ce qu’il existe un système de signes dans l’image ? Questionnement ontologique donc sur l’existence du sens dans l’image : « Comment le sens vient-il à l’image ? Où le sens finit-t-il ?  et s’il finit, qu’y a-t-il au-delà ? » Pour répondre à ces questions, l’auteur se propose de faire une « analyse spectrale » des messages contenus dans l’image publicitaire. Une publicité de Panzani, le fabricant de pâte alimentaire le plus connu en France, a été retenue, car ce type d’image s’articule autour d’intentions claires :

[…] en publicité, la signification de l’image est assurément intentionnelle […] l’image publicitaire est franche, ou du moins empathique.

L’image Panzani est tout d’abord perçue par le lecteur qui y voit une multitude de signes. Rappelons que pour le philosophe et sémiologue américain Charles Pierce (1839-1914), le signe est : « Quelque chose qui tient lieu pour quelqu’un de quelque chose sous quelque rapport ou à quelque titre. » Le signe que nous percevons est le signifiant alors que sa représentation mentale, le sens qu’on en déduit, est le signifié. Par exemple, les pâtes, le poivron, la tomate et le champignon, dénotés dans l’image Panzani, sont des signifiants et le concept « d’italianité » le signifié. Cette opération de transformation, d’un signe à un symbole, est influencée par le bagage culturel du lecteur. C’est ce savoir qui permet le transfert des couleurs dominantes de l’affiche : le vert, le blanc et le rouge, les couleurs du drapeau italien.

Les trois messages

La publicité Panzani est composée de trois messages : le premier est un message linguistique, le second est un message iconique codé et le troisième est un message iconique non codé.

Le message linguistique est facile à discerner : ce sont les légendes, les étiquettes, etc. Ce message peut avoir une fonction soit d’ancrage, soit de relais. Il fait partie du code de la langue française et vient clarifier la lecture en dirigeant les lecteurs « entre les signifiés de l’image »:

[…] le message linguistique guide non plus l’identification, mais l’interprétation, il constitue une sorte d’étau qui empêche les sens connotés de proliférer soit vers des régions trop individuelles […] soir vers des valeurs dysphoriques […]

Le message iconique codé et le message iconique non codé sont un peu plus difficiles à distinguer, car : « le spectateur reçoit en même temps le message perceptif et le message culturel », c’est-à-dire qu’il perçoit simultanément le message littéral sans code et le message symbolique connoté.

Le message iconique non codé traite de la dénotation de l’image qui  se présente devant nous comme une combinaison de signes discontinus : la composition, les couleurs, un filet ouvert qui laisse déborder ses aliments, un poivron, des tomates, un champignon, etc. L’ensemble de ces signes dénote « une fraîcheur des produits », sauf peut-être le champignon qui a une apparence plutôt ratatinée, et fait allusion à quelque chose qui n’est pas exprimé concrètement et qui semble redondant : « ce qui spécifie ce troisième message, c’est en effet que le rapport du signifié et du signifiant est quasi-tautologique. » Ce dernier, le message iconique codé, traite de la signification connotative de l’image, de « l’italianité » des produits (signifié).  En effet, il n’y a pas de message linguistique qui vient souligner la qualité italienne de la scène. Ce second sens est provoqué par la simple présence objective des signes non codés.

Le rapport entre les deux messages iconiques est extrêmement important, car d’après Barthes, le message dénoté de la photographie serait le seul à « [posséder] le pouvoir de transmettre l’information (littérale) sans la former à l’aide de signes discontinus et de règles de transformation ». C’est dans cette absence de code que s’articulerait un nouveau code, un nouveau sens. En fait, c’est grâce à la dénotation que le message symbolique peut exister :

[…] des 2 messages iconiques, le premier est en quelque sorte imprimé sur le second : le message littéral apparaît comme le support du message symbolique.

Pour Roland Barthes cet état de fait constitue non seulement « une véritable révolution anthropologique », mais établirait également une « nouvelle catégorie de l’espace-temps ».

Commentaire

Le texte Rhétorique de l’image célébrera en 2014 son 50e anniversaire de publication. Si l’article a marqué son époque, il faut dire que les rapports de l’art et de la technique ont beaucoup évolué depuis les années 60. La photographie nous a permis de voir ce qui était invisible à l’oeil nu et a transformé notre perception de façon radicale (on n’a qu’à penser aux photographies d‘Eadweard Muybridge ou d’Harold Edgerton pour le réaliser). Nicolas Bourriaud, parle de la l’invention de photographie et note la modification des modes de représentation qu’elle a engendrée :

Certaines choses s’avèrent désormais inutiles, mais d’autres deviennent enfin possibles : dans le cas de la photographie, c’est la fonction de représentation réaliste qui se révèle progressivement caduque, tandis que des angles de visions nouveaux se voient légitimés (les cadrages de Degas) et que le mode de fonctionnement de l’appareil photo – la restitution du réel par l’impact lumineux – fonde la pratique picturale des impressionnistes.[3]

Il faudrait également rappeler que ce texte a été écrit quelques années seulement avant l’invention des capteurs photographiques CCD qui sont à la base de la révolution numérique.[4] L’image numérique est une image binaire : un code fait de 0 et de 1. Il y a donc un code, même sous le message iconique non codé. D’après Lev Monovich le principe de transcodage culturel, un mélange de la culture humaine et l’organisation structurelle des ordinateurs, serait la conséquence la plus importante de la numérisation.[5] Cette nouvelle modalité de l’image nous forcerait non seulement à redéfinir le type de structure iconique, mais aussi à préciser le rapport que nous entretenons avec la réalité.

Daniel Dugas, 20 mars 2013

 PDF (177kb)


[1] Les numéros de la revue Communications publiés de 1961 à 2009 (n° 1 à 85) sont en ligne et en accès libre sur le portail des revues scientifiques Persée, [en ligne],
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/revue/com, (page consultée le 17 mars 2013).

[2] Jean-Marie Klinkenberg, Précis de sémiotique générale, Seuil, Paris, 2000, p. 343.

[3] Nicolas Bourriaud, Esthétique relationnelle, Les presses du réel, Paris, 1998, p-67-73.

[4] Le CCD a été inventé en 1969 (en anglais : Charge-Coupled Device), c’est un capteur photosensible convertissant la lumière en valeur numérique directement exploitable par l’ordinateur, qui, dans un appareil photo numérique, capture l’image point par point. Office québécois de la langue française, 1997, [en ligne], http://gdt.oqlf.gouv.qc.ca/ficheOqlf.aspx?Id_Fiche=8393657 (page consultée le 17 mars 2013).

[5] Lev Manovich, The Language of New Medias, Cambridge, MIT Press, 2001 p. 45. Manovich dresse une liste des cinq principes du nouveau statut des médias: représentation numérique, modularité, automatisation, variabilité et transcodage culturel. Version en ligne à accès libre, [en ligne], http://www.manovich.net/LNM/Manovich.pdf ,(page consultée le 17 mars 2013).

Mar 13, 2013
admin

Insomnie at PoetryFilm (2013)

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My video, Insomnie, will be screened as part of a special one-off PoetryFilm event celebrating the Equinox with a bespoke programme of experimental short films and poetry performances exploring: circles, cycles, sequences, planets and patterns.

Venue: Charlotte Street Hotel Cinema (located downstairs)

Address: 15-17 Charlotte Street, London WIT 1RJ. Nearest tubes: Tott Court Road or Goodge Street (Northern Line).

PoetryFilm celebrates films based on poems, poems turned into films, collaborations, text-based films, and other avant-garde text/image material. Events feature short films accompanied by live performances or discussion.

Synopsis: A television show on the Big Bang theory adds to the anguish of not being able to sleep. What would happen to dreaming if time itself disappeared?

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Ma vidéo, Insomnie, sera présentée au PoetryFilm lors de l’événement Equinox au Charlotte Street Hotel Cinema, à Londres.

Synopsis: Une émission de télévision sur la théorie du Big Bang vient ajouter à l’angoisse de ne pas pouvoir dormir. Qu’arriverait-il au sommeil si le temps lui-même disparaissait ?

 

PoetryFilm Equinox
Eventbrite

*Circles, Cycles, Sequences, Planets, Patterns*

A special PoetryFilm event celebrating the Equinox with a bespoke programme of experimental short films, poetry readings and music performances exploring circles, cycles, sequences, planets and patterns.

Time: 7.30pm

Venue: Charlotte Street Hotel Cinema (located downstairs)

Address: 15-17 Charlotte Street, London WIT 1RJ. Nearest tubes: Tott Court Road or Goodge Street (Northern Line).

For further information, please contact Malgorzata at info@poetryfilm.org


Agrandir le plan

*PROGRAMME*

FLOATERS IN THE EYE (Antoinette Zwirchmayr, 3m)
The text of Paul Celan’s poem Schliere (Floaters) is printed with a Braille writing machine onto black leader, thus translating it into Braille writing. The 16mm film is actually readable to a blind person through physical touch, though projected onto the screen the writing transforms into an unidentifiable code of bright spots. These sequences are cut with sewing scenes, the sewing referencing the restrictions of (visual) language to a blind person, and perhaps also the limits of language itself.

THERE IS NO ORIGINAL (dir: Stephen Snell, Steven Chamberlain; words: Steve Coxon; sound: Ohmm, 3m51)
The film was created entirely on sticky tape.

The sticky tape is played through a specially adapted projector which creates unusual visuals. The experimental medium pioneered here lends itself to processes usually associated with montage, direct to film techniques and media specific techniques, notably “flayed paper”.

ONE MOMENT PASSES (words: Robert Lax; computer animation: Susanne Wiegner, 3m)
One Moment Passes is a meditative game of patterns with “is” and “was”; past and present. Three different time layers – the past, present and future – are put on top of each other to create the very moment of presence. The film starts and ends with a step-by-step perception: reading, hearing, seeing.

INSOMNIA (dir: Daniel Dugas, 3m)
Dictionaries hold all the words of languages and images hold all the feelings in the world.  A television show about the Big Bang theory adds to the anguish of not being able to sleep. What would happen to dreaming if time itself disappeared?

Words:

SIMON BARRACLOUGH
Simon Barraclough is the author of Los Alamos Mon Amour (Salt, 2008), Bonjour Tetris (Penned in the Margins, 2010) and Neptune Blue (Salt, 2011). He is the editor of Psycho Poetica (Sidekick Books, 2012) and co-deviser and co-author of The Debris Field (Sidekick Books, 2013).

This evening he will read “the planet suite” from Neptune Blue.

QUANTUM LOVE (dir: Laura Focarazzo; sound art: David Horner, 6m)
Inspired by quantum physics, the film explores the idea of uncertainty.

DRIFT (Mark Khalife, 5m07)
A couple lives on the other side of the world to each other and cannot be awake at the same time. The film explores dualities of time and through a circadian cycle spanning two time zones.

METAMORPHOSE DU PAPILLON (Dir: Pere Ginard and Laura Gines, 5m)
A revision / reinterpretation / rewriting of Gaston Ville’s eponymous film (1906) exploring the cycle of life through metamorphosis.

Words:

Tim Cumming
Tim Cumming was born in Solihull and was brought up in the West Country. His poetry collections include The Miniature Estate (1991), Apocalypso (1992, 1999), Contact Print (2002) and The Rumour (2004). His work has appeared in anthologies including The Forward Poems of the Decade, and Identity Parade (Bloodaxe). He made the acclaimed Hawkwind: Do Not Panic documentary for the BBC in 2007 and writes regularly for The Independent and The Guardian on music and the arts. His film poem Radio Carbon was premiered at PoetryFilm at the Renoir cinema in 2009.

This evening Tim Cumming will read new poems including Plate Tectonica, which features the mathematical algorithm as a metaphor.

THE SHELL OF THE WORLD (dir. and words: Robert Peake; music: Valerie Kampmeier, 10m39)
A sequence of 7 parts exploring patterns of belonging and alienation. Shot on iPhone and edited on a laptop.

KISSING IN HATS (dir: Stuart Pound; words: Rosemary Norman, 1m30)
The poem is a villanelle, a verse form where the regular repetition of two key lines gives added urgency to what is being said. The effect is intensified by multiple looping of the speaker’s voice as a moving path scans across four line drawings.

ANFORTAS (dir: Carolyn Radio an Alanna Simone; words: Carolyn Radio, 5m24)
The work was originally produced as a 3-channel, 3-wall installation and is being shown tonight as a single film. Anfortas is a stop-motion animation of everyday objects used to convey larger metaphysical ideas. Woven choreographies of red and white items are overlaid with a story intertwining creation myths with a knight’s quest for the transformative vessel.

MY FILM ENTRY (dir: Neil Ira Needleman, 1m50)
The director writes: “It would be too easy to write something here about “life imitating art” or “art imitating life”. But it’s much simpler than that. Here’s how I see it: the world has become a complicated place. Too complicated for me. I now seek solace, salvation and inner peace by performing tasks that are simple and pure. In a complicated and ambiguous world, it doesn’t get any simpler than this. I hope you enjoy it, because as soon as this video is over, the complications begin. Simply yours, Neil.”

Words and Sounds:

NIALL MCDEVITT (15m)
Niall McDevitt is a poet, author of b/w (Waterloo Press, 2010), literary tour guide (poetopography.wordpress.com) and poetry editor of International Times (www.internationaltimes.it).

This evening he will perform with a bodhran drum which is circular and beautifully patterned. His poems will celebrate the millennium, the drum, and the zero

Mar 6, 2013
admin

Under New Management – Video Store (2013)

I am happy to be part of the Under New Management – Video Store project (March 7 – April 12, 2013), which opens tomorrow at the Odd Gallery in Dawson, YK. I have a few titles included in the show: The Walls Have Ears (2002), Easy Not Easy (2004) , Slide (2012), Standard de vérité (2012), Insomnia (2012), Évanescence (2012), Gull (2011)  and Camille, Andrew, Katrina et Cie (2009). Good luck with the opening!

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The following is from: : http://kiac.ca/oddgallery/exhibitions/

Frankly, we’re not your typical video store. Far from it! In fact, Under New Management is a virtual entertainment funhouse allowing you to pay-what-you-wish. We have many rare titles and a unique rental policy!

Video Store is a gallery exhibition that takes the form of a video rental store. The project employs the characteristics of the retail environment to connect to the local community while, challenging the gallery’s role as an intermediary that delimits the viewer’s direct access to art. Video titles in stock are artists’ works procured through an open call for submissions . “Customers” are asked to pay what they wish, which can be interpreted as cash, a non-monetary exchange, critique, or no remuneration. This facet is in place as an experimental form of engagement, where artists have the opportunity to receive responses directly from viewers. In turn, the viewer has an uncommon channel to the artist. In addition to payment, rental and return are also on an honour-system basis to remove barriers that exist due to membership requirements, deposits, and return policies at commercial ventures.

Including video works by: Alleyway A.G., Artlitwell, Perry Bard, Aleks Bartosik, Steve Basham, Sarah Beck, Ashley Bedet, Simon Belleau, Stephane Boutet, Theodore Boutet, Pierre Chaumont, Millie Chen, Michèle Clarke, Eva Colmers, Claro Cosco, Sarah DiPaola, Robert Dayton, Zoran Dragelj, Daniel Dugas, Megan Dyck, Caz Egelie, Clint Enns, Sky Fairchild-Waller, Simon Frank, Lisa Folkerson, Sarah Fortais, Kandis Freisen, Stephen Paul Fulton, Daniel Gallay, Paul Gordon, Shlomi Greenspan, Keeley Haftner, Martin Hamblen, Ursula Handleigh, Sienna Hanshw, Mike Hansen, Paul Harrison, Mathew Hayes, Stefan Herda, Karen Hibbard, Candice Irwin, Felix Kalmenson, Eva Kolcze, Apostoly Peter Kouroumalis, Toni Latour, Anastasia Lognova, Christopher Lacroix, Valerie LeBlanc, Renee Lear, Melanie Loew, Duncan MacDonald, Adrienne Marcus Raja, Lyla Rye, Mani Mazinani, Penny McCann, Arlin McFarlane, Kristine Mifsud, Gordon Monahan, Caroline Monnet, Didier Morelli, Grey Muldoon, Midi Onodera, Juan Ortiz-Apuy, Ryan Park, Jason Penney, Iqrar Rizvi, Jade Rude, Matthieu Sabourin, Liana Schmidt, Olivia Simpson, Tom Smith, Leslie Supnet, Maya Suess, Laura Taler, Aislinn Thomas, Peter Von Tiesenhausen, Carolyn Tripp, Carmen Victor, vsvsvs, Ellen Wetmore, Elinor Whidden, Oauk Wiersbinski, Damien Worth, Robert Zverina… and many more!

UNDER NEW MANAGEMENT (UNM) is comprised of the curatorial team Suzanne Carte and Su-Ying Lee, a collective of cultural producers working in contemporary art. Operating as a mutable entity, UNM re-invents roles and shifts boundaries to inspire production and engagement. Collaboration with new and experimental strategies is at the forefront of their practice.

Suzanne Carte is an independent curator and critical art writer. Currently, she works as the Assistant Curator at the Art Gallery of York University (AGYU) focusing on an integrative model to utilize public programming as a pedagogical tool within the academic institution. Previously she held positions as outreach programmer for the Blackwood Gallery and the Art Gallery of Mississauga and as professional development and public program coordinator at the Ontario Association of Art Galleries. She is on the Board of Directors of C Magazine, an international art quarterly devoted to promoting critical discussion about contemporary art. Within Suzanne’s independent practice, she has curated exhibitions in public spaces, artist-run centres, commercial and public art galleries including All Systems Go!, Under New Management, MOTEL and Man’s Ruin. Suzanne recently completed her Masters of Contemporary Art at the Sotheby’s Art Institute in New York City.

Su-Ying Lee is the Assistant Curator at the Museum of Canadian Contemporary Art (MOCCA) and most recently completed a one-year curatorial residency at the Justina M. Barnicke Gallery, funded by the Canada Council for the Arts. Lee has both institutional experience and a number of independent projects to her credit. She has curated exhibitions that include the work of Kent Monkman and Lawrence Weiner and commissioned the work of Harrell Fletcher and Wendy Red Star. Her curatorial practice has been steadily evolving into the expanded field. Lee is interested in the role of curator as co-conspirator, accomplice and active agent. She seeks new ways to mobilize art, audiences and context.

Klondike Institute of Art and Culture

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Daniel H. Dugas

Artiste numérique, poète et musicien, Daniel H. Dugas a participé à des expositions individuelles et de groupe ainsi qu’à plusieurs festivals et événements de poésie en Amérique du Nord, en Europe, au Mexique et en Australie. Son treizième recueil de poésie « émoji, etc. » / « emoji, etc. » vient de paraître aux Éditions Basic Bruegel.

Daniel H. Dugas is a poet, musician, and videographer. He has participated in solo and group exhibitions as well as festivals and literary events in North America, Europe, Mexico, and Australia. His thirteenth book of poetry, 'émoji, etc.' / 'emoji, etc.' has been published by the Éditions Basic Bruegel Editions.

Date : Mars / March 2022
Genre : Poésie / Poetry
Français / English

émoji, etc. / emoji, etc.

Date: Mai / May 2022
Genre: Vidéopoésie/Videopoetry
Français/English

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