Mar 4, 2013
admin

Dessins et bulles – Pierre Fresnault-Deruelle

Compte rendu
Dessins et bulles : la bande dessinée comme moyen d’expression
Pierre Fresnault-Deruelle
Collection Thème et Enquêtes, sous la direction de Jean Peytard
Bordas / Paris Bruxelles Montréal, 1972, 96p

Chapitre 5 — Les relations de l’image et du texte

MOTS CLÉS : bande dessinée, texte-image, langage, enseignement, pédagogie

Présentation

Dessins et bulles : la bande dessinée comme moyen d’expression est un livre de Pierre Fresnault-Deruelle publié en 1972 par la maison d’édition française Bordas. Cet éditeur qui se spécialise dans la production de matériel scolaire et de dictionnaires lançait, avec Dessins et bulles, une nouvelle collection intitulée Thèmes et enquêtes. Jean Peytard en assurait la direction.

Pierre Fresnault-Deruelle[1] (1943) est un sémiologue de l’image. C’est un auteur prolifique qui travaille depuis plus de trente ans sur l’image fixe. Il a été l’un des premiers « défenseurs » de la bande dessinée et demeure un des grands spécialistes de l’univers d’Hergé. Il est le fondateur du Musée critique de la Sorbonne (MUCRI), un musée virtuel qui se destine à l’analyse des œuvres plastiques et visuelles (photographie, art plastique et bande dessinée)[2].

Jean Peytard (1924-1999) est un linguiste et un pédagogue français qui a enseigné à l’Université de Besançon. Il est connu pour ses concepts d’altération, de variation et d’évaluation ainsi que pour son approche interdisciplinaire. Un colloque international intitulé « Jean  Peytard : syntagmes et entailles » a été présenté à l’Université de Franche-Comté, Besançon au mois de juin 2012.

Le 9e art

Même si la bande dessinée avait déjà en 1972 une longue histoire derrière elle, il a fallu attendre longtemps pour qu’elle soit reconnue comme une forme d’art légitime. La parution de Dessins et Bulles s’insérait dans un mouvement de reconnaissance qui venait concrétiser le passage de la BD à l’âge adulte.

Il faut tout d’abord se remettre dans le contexte de l’époque. Les événements de Mai 68 sont encore frais à la mémoire : un vent de changement souffle sur le monde. La bande dessinée qu’on qualifiait d’art mineur recevait en 1964 ses lettres de noblesse et devenait le 9e art[3]. Quelques années plus tard, soit en 1970, Pierre Fresnault-Deruelle faisait de celle-ci le sujet de sa thèse de doctorat. Elle avait pour titre « Approche sémiotique de la bande dessinée » et étudiait le corpus de l’école de Bruxelles[4]. La légitimité de la bande dessinée n’est plus à défendre aujourd’hui, mais en 1972, ce petit livre venait démontrer l’importance et la complexité de ce genre « tout nouveau »[5]. Cet art, devenu majeur, devait maintenant s’enseigner à l’école.

Dessins et bulles est donc un outil pédagogique qui se propose d’aborder et d’analyser la bande dessinée, son « fonctionnement » et sa « construction ». Le but de Pierre Fresnault-Deruelle et de Jean Peytard (pour ne pas dire le dessein) est de familiariser les élèves et les enseignants à ce genre tout en leur fournissant des outils théoriques et pratiques pour qu’ils puissent analyser le contenu des cartoons :

Notre désir est qu’avec ce petit livre, les élèves et leurs maîtres puissent avoir un instrument à leur service dans l’exploration passionnante de ce moyen d’expression partout présent dans notre vie quotidienne.

Le livre fait tout d’abord un survol historique de la bande dessinée et présente, en dix chapitres, les divers éléments qui la composent : la vignette ; les ballons ; les relations entre le texte et l’image ; le montage ; le scénario ; les héros et le temps et l’espace. Le livre foisonne d’exemples choisis parmi une grande variété de BD, Tintin y fait bonne figure, mais on trouve également Spirou ; les Schtroumpfs ; Gaston Lagaffe ; Prince Vaillant et bien d’autres. Chaque partie est augmentée par une série de travaux pratiques. Les intentions pédagogiques sont à l’avant-plan et l’importance du dialogue et du travail d’équipe est capitale.

Chapitre 5 — Les relations entre le texte et l’image

La bande dessinée est composée de deux messages : un premier iconique et un deuxième linguistique. Il y a, bien sûr, des bandes dessinées sans texte, mais il ne pourrait y avoir de bandes dessinées sans dessins. Lorsque les deux univers se juxtaposent, il se tisse une série de liens très particuliers entre les deux. Ces relations peuvent exister au sein de la vignette elle-même ou s’étendre d’une vignette à l’autre. On pourrait presque qualifier cette relation de symbiotique, puisque chacun des deux codes gagne dans l’échange. Ce qu’un code ne peut traduire l’autre s’en occupe.

Quand l’image apparaît sans texte, elle est polysémique, c’est-à-dire que la qualité du message iconique a plus d’un sens. Lorsque l’image est accompagnée d’un texte, elle est monosémique. Dans ce cas, le texte vient « appauvrir » l’image en lui donnant qu’un seul sens. Cependant, il existe des situations où le dessin est incapable de fournir les informations nécessaires à la compréhension du scénario. Le texte est alors indispensable, le couple inséparable.

Quelquefois l’écriture se fait image, on parle de la fonction imageante du texte. L’utilisation d’onomatopées, abondant dans la BD, fournit un exemple facile à visualiser. Dans d’autres circonstances c’est le dessin qui se fait texte, on parle ici de fonction linguistique de l’image. On pourrait citer des exemples où l’auteur dessine des enseignes, des panneaux, des inscriptions.

Le texte s’inscrit habituellement dans les ballons ou dans les bulles. C’est là que s’expriment les personnages et c’est grâce à ces renseignements que le lecteur peut avancer dans le récit. Le texte a donc une fonction d’ancrage, d’enchaînement, de relais. Fresnault-Deruelle parle de l’effet de lecture comme une « vision-lecture ».  Et c’est bien ce que fait la BD, elle transforme le lecteur en trapéziste :

La collection Thèmes et enquêtes se voulait ouverte sur le monde, attentive à l’émergence de nouvelles réalités culturelles. On envisageait de développer d’autres livres sur la science-fiction, la publicité, le langage de la radio et le spectacle télévisuel. Malheureusement, Dessins et bulles fut le premier et le dernier numéro de cette série.

Proposition finale qui dérive d’autres propositions

a-daniel

La lecture de Dessins et bulles m’a permis de faire un retour sur ma jeunesse et sur le rêve qui m’habitait à ce moment-là : devenir bédéiste. Après tout, j’étais né la même journée que Pilote[6], mon magazine préféré de bandes dessinées. Lorsque Dessins et Bulles paraît en 1972 mon père me l’offre pour mes douze ans. C’est un cadeau extraordinaire ! Aujourd’hui, quarante ans plus tard, la seule page couverture me rappelle la passion que j’avais pour la BD, et la simple dédicace de mon père, à l’intérieur du livre, demeure un symbole indubitable d’encouragement d’un père pour son fils. Le petit livre vert m’accompagne depuis.

à suivre…

Daniel Dugas, 4 mars, 2012
 PDF (1.7mb)


[1] Pour un profil complet, voir le site VISIO de l’Association internationale de sémiotique visuelle. [En ligne]  http://www.visio.hst.ulaval.ca/fresnault.htm (Page consultée le 2 mars 2013)

[2] [En ligne]  http://mucri.univ-paris1.fr/portail/ (Page consultée le 2 mars 2013)

Le site du Musée critique de la Sorbonne est présentement en reconstruction.

[3] L’expression a été inventée en 1964 par Maurice de Bévère (alias Morris) et Pierre Vankeer. [En ligne] http://fr.wiktionary.org/wiki/neuvième_art (Page consultée le 2 mars 2013)

[4] Le style de l’école de Bruxelles est caractérisé par un dessin réaliste et l’utilisation d’un langage graphique clair. [En ligne]  http://fr.wikipedia.org/wiki/École_de_Bruxelles (Page consultée le 2 mars 2013)

[5] Pour se rendre compte du chemin parcouru, voir le programme de maîtrise MLitt in Comics Studies, Université de Dundee en Angleterre : [En ligne] http://www.dundee.ac.uk/english/prospective/postgraduates/comicstudies/ (Page consultée le 2 mars 2013)

[6] 29 octobre 1959. [En ligne]  http://fr.wikipedia.org/wiki/Pilote_(périodique) (Page consultée le 2 mars 2013)

Feb 12, 2013
admin

Propos sur l’écriture et la typographie, Michel Butor

Compte rendu
Propos sur l’écriture et la typographie, Michel Butor
Communication et langages. Nº 13, 1972, pp 5-29

Mots clés : typographie, structure, objet, modulation, mouvement, graphie, lecture

Propos sur l’écriture et la typographie est une transcription de l’enregistrement d’une causerie donnée par Michel Butor dans le cadre des Rencontres Internationales de Lures en 1972. Ces rencontres dédiées au questionnement typographique et à la culture graphique ont été créées en 1952 à l’initiative du théoricien de la typographie française Maximilien Vox.

Michel Butor, un des auteurs associés au Nouveau Roman, est un poète, romancier et essayiste français né en 1926. Son premier roman Passage de Milan a été publié chez Gallimard en 1954. Il rompt avec la forme romanesque en 1960 et publie quelques années plus tard Mobile, étude pour une représentation des États-Unis où il expérimente la mise en espace du texte. Cet auteur expérimental a écrit sur la peinture et a créé avec des peintres plusieurs livres d’artistes. Il vit à Lucinges, près de Genève.

Un lien essentiel

Le lien entre la littérature et la typographie est essentiel, puisque le rôle de la typographie est d’imager le texte, de lui donner un corps. Nous vivons dans des sociétés où le texte et la typographie sont omniprésents. Si nous sommes assaillies par le texte, nous sommes aussi interpellés par la forme qui le soutient. Butor conçoit le texte comme un objet qui aurait un fonctionnement similaire à l’objet symbolique introduit par les surréalistes[1]. C’est-à-dire qu’il ne serait pas là pour sa valeur esthétique, mais pour provoquer un sens nouveau. En disposant les objets / textes sur la page ou dans le livre, Butor met en place un système où le lecteur peut créer son propre sens.

Pour ce faire, il utilise la typographie non-choc, c’est-à-dire une typographie qui se développe sur un mode de lenteur et qui s’oppose à une forme plus rapide, plus brutale, souvent utilisée par la publicité. Son but n’est pas d’épater, mais de donner au lecteur un système et des structures de lecture. Le lecteur pourra faire des choix et recomposer comme il l’entend le texte de départ. Un lecteur curieux pourra donc lire un texte plus complexe qu’un lecteur moins curieux. Butor est toutefois conscient que l’énergie engendrée par cette multitude de possibilités pourrait échapper à certains lecteurs, mais c’est un risque qu’il est prêt à prendre.

« Le mot est visuel aussi »

Le projet de Michel Butor est de réaffirmer la valeur visuelle du texte sans toutefois amoindrir ses qualités auditives. Ses livres, même s’ils ont « un aspect auditif sont toujours mis en relation avec les aspects visuels ». Même le texte radiophonique « lieu d’expérience le plus éloigné du livre » devient pour Butor un défi d’écriture et d’expérimentation visuelle. La stéréophonie d’un texte, comme celui des 6 810 000 litres d’eau par seconde, s’exprime visuellement sur la page avec un dialogue à gauche et un autre à droite. Il est intéressant de noter dans Propos sur l’écriture et la typographie les innombrables retours à l’audible. Butor revient constamment à l’ouïe, à l’audition, à la musique, à la perception des sons. Ce n’est pas une opposition, mais plutôt une affirmation d’une relation intime qui existe entre ces deux modes :

Quant à la question : « Faut-il lire auditivement ou visuellement ? », eh bien ! le développement des techniques audio-visuelles nous montre bien que l’acte de lecture […] était à la fois auditif et visuel. Les deux façons sont toujours liées.

Le type de lecture est influencé par le type de structure du livre. Certains livres sont faits pour être lus d’un bout à l’autre (les romans par exemple), alors que d’autres, plus visuels, ne sont pas faits pour être lus d’un seul trait. Pensons aux dictionnaires, aux guides et même aux annuaires téléphoniques que Butor qualifie de « chef-d’œuvre méconnu de la civilisation occidentale ». Le désir de Michel Butor est de créer à l’intérieur du texte une mobilité, un mouvement, et la typographie est l’instrument privilégié « qui détermine la manière dont l’œil est dirigé dans la page ».

Pour Butor l’écriture est une véritable expérience tridimensionnelle. Elle se compose de trois vecteurs : un premier horizontal, un second vertical et un troisième perpendiculaire. Ces trois axes rappellent les coordonnées du plan, c’est-à-dire la hauteur, la largeur et la profondeur. Cette terminologie prend tout son sens lorsqu’on réalise que le « volume » est aussi bien un ouvrage, un texte imprimé qu’une portion de l’espace à trois dimensions : « […] Le livre n’est pas une surface, c’est un volume qui a des propriétés particulières et dont on tourne les pages […] ». Si la coordonnée de la profondeur crée le relief, celle de la perpendicularité créerait une mobilité, une possibilité :

Dans tous mes livres, il y a cette possibilité de mobile littéraire intérieur à la physique du livre et étudié à partir de toutes sortes d’ordres.

Des modulations et de la musique

Butor revient souvent, lorsqu’il parle de l’écriture, à l’analogie de la musique. Il parle du disque, de la radio, de l’opéra, de l’expérience auditive, de la stéréophonie : « […] Je rêve de pouvoir utiliser bien mieux cet « orchestre » dans lequel chaque caractère est un timbre […], il y a là un phénomène comparable à ce qu’on appelle en musique un contrepoint […], j’aurais une accélération du tempo […] », etc. Pour Butor, la typographie est le rythme de l’écriture, elle insuffle un mouvement, elle scande le texte. L’écriture sérielle, des réserves de textes qu’on trouve dans Description de San Marco, ressemble à des séances d’improvisation jazz[2]. Les structures sont ici des pistes de lecture. Le lecteur délaisse son rôle passif d’auditeur pour devenir musicien : il doit interpréter la partition et choisir un chemin. 

« Une géographie de la page »

La typographie est un véritable voyage et Michel Butor risque l’aventure. La boîte à outils[3] de la typographie est constituée d’une multitude d’éléments et Butor, qui favorise une mise en page simple, l’utilise efficacement. Il fait l’inventaire des possibilités qui s’offre à lui : polices de caractères, regroupement des corps et graisse, alinéas, blancs, annotations, coupures du texte et cadrages qui en résultent. Les marges proposent une panoplie de possibilités. Butor utilise dans Mobile cinq marges différentes créant plusieurs degrés de lecture. Le titre courant est un autre élément polyphonique utilisé par l’auteur. Tous ces éléments modulent le texte et le mettent en mouvement à tel point que Butor ne parle plus de blanc « […], mais de gris typographique ».

Sa stratégie est simple : maximiser l’effet en minimisant les coûts. Il faut utiliser les ressources « gigantesques » de la typographie le plus habilement possible afin de permettre une plus grande variété tout réduisant les coûts pour l’éditeur. Cette économie de moyens il l’obtient en utilisant : « […] uniquement un caractère, dans un seul corps, mais avec ses variétés classiques telles que grandes capitales, petites capitales, minuscules et italiques… c’est tout ! ».

Cette organisation du texte, ce jeu sur la matérialité du livre, donne « […] tout un champ de possibilité de lecture ». Les codes graphiques varient d’un genre à l’autre. Différentes techniques et structures produisent différents sens et différentes lectures.

En avant la musique !

Si les structures mises en place par Butor remettent en questions nos habitudes de lecture, elles permettent également de recadrer les modes de fabrication du livre et les choix éditoriaux qui les façonnent. Butor se penche sur la problématique de la dépendance de l’auteur par rapport aux modes de production et les difficultés d’autonomisation vécues au début des années 70. Évidemment, les choses ont bien changé. Les développements technologiques et l’apparition du livre électronique permettent aujourd’hui une plus grande flexibilité de création.

Nous avons, presque à notre insu, glissé dans le monde de possibilités dont rêvait Michel Butor :

Je rêve de pouvoir utiliser bien mieux cet “orchestre” dans lequel chaque caractère a un timbre, exactement comme un instrument de musique. À ce moment-là, des caractères nouveaux pourraient introduire des instruments nouveaux, des sentiments nouveaux, comme les instruments de musique le font dans l’orchestration.

Daniel Dugas 12 février 2013

 PDF (217kb)


[1] Salvador Dali crée en 1931 les objets à fonctionnement symbolique en assemblant des objets entre eux. Ce faisant, il invente un type nouveau d’objet, irrationnel et doté d’un mécanisme de révélation de l’inconscient venant « concurrencer l’objet utile et pratique ». Le Musée de l’Objet – collection d’art contemporain. http://www.museedelobjet.org/presentation.html [en ligne] consulté le 10 février 2013

[2] Il serait intéressant de voir les corrélations entre les techniques utilisées par Butor et le soundpainting, un langage de gestes multidisciplinaire crée par Walter Thompson en 1974. http://www.soundpainting.com/home-2-fr/ [en ligne], consulté le 10 février 2013.

[3] Étymol. et Hist.1. Début du xiies. ustilz «équipement, objets nécessaires qu’on embarque pour un voyage» (S. Brendan, éd. I. Short et Br. Merrilees, 179) […] http://www.cnrtl.fr/etymologie/outil  [en ligne], consulté le 10 février 2013.

 

Nov 15, 2012
admin

Alas! Atlas! (2012)

version française ici

Fog and reality! Cloud and mappemonde!
Victor HUGO

KEYWORDS: visualisation, cartography, cartogram, Facebook, US presidential election 2012, Purple America

Recently, I opened my Facebook account to see the juxtaposed images of two maps of the United States. The first map illustrated the results of the 2012 American presidential election: blue states for the Democrats and red states for the Republicans. The second map, dated 1846, was a representation of abolitionist and slave states before the start of the American Civil War.[1]

What struck me at first glance was the apparent similarity between the two maps. It seemed that the distribution of political forces was the same. The abolitionist states and territories of 1846 were, more or less, the Democratic states of 2012. The slave states and territories were clearly in the camp of Republicans. The effectively demonstrated parallels were so compelling that I immediately shared the image. This commentary by Michelle Lawrence was accompanied by two short sentences: “Sometimes change is really hard especially when people don’t want to change. Just something to ponder.” Indeed, looking at the two images gave the impression that nothing has changed in the one hundred and sixty-six years that we have travelled. In short, as the saying goes, ‘the more things change, the more they stay the same.’

The concept of mapmaking inspires respect; there is an air of truth and authenticity about the practice. It is difficult to doubt the reality of map, maybe because of an innate trust we carry for them. In any case, I was there at my computer, confronted with this terrifying image of an unchanging world. And I was disappointed to think that we, as a society, have made such a long journey to be staring back at that very sad starting point. After a few minutes, my enthusiasm to share this with other Facebook users quickly turned into interrogation. What was the reality mapped out before me? Is the world of today really the same as the world yesterday?

To put it all in a historical context and to see if the American electorate had evolved over the years, I began to think of other presidential elections. I thought right away of the Ronald Reagan tidal wave of 1984. The winds of conservatism swept across America leaving only Minnesota and Washington, DC to the Democrats. At the other end of the spectrum, there was the decisive victory of Franklin D. Roosevelt (1936) who was re-elected triumphantly leaving the Republicans with the two small states of Maine and Vermont. On the other hand, and in an almost negative image of the 2012 election, we find the Jimmy Carter election results of 1976. It firmly placed in the Democratic camp all of the southern states often associated with the Republicans.[2]

On this closer examination, I had difficulty in reconciling the three maps above to the political immutability underpinned by the ‘2012 – 1846’ image. Were there changes or not? Looking at a wider scope of images mapping the results of previous presidential elections, it is clear that there have been many changes over the years. The problem with a comment like the one that Michelle Lawrence made, is that it is simplistic and sensationalist. The difficulty of reconciling what is seen and what is said resides in the fact that these particular maps are not speaking about the same thing. The context is warped.

Presenting pictures that look alike offers a simplified view of the past and of the present. It is a truncated, veritably ‘fake’ reality. There has been a lot of talk about polarized American viewpoints and this dual image suddenly offers proof of legendary division. If we are truly interested in evaluating voter diversity in the United States, we should look farther. Perhaps we should begin with the maps of Purple America[3], and migrate to the cartograms of election results complied by Mark Newman of the University of Michigan.[4]

But, the deed was done. I had, in a burst of thoughtless enthusiasm (as is often the case on the Internet), joined the ranks of 45,000 other Facebook users who had also shared the maps and the comment. At first, the juxtaposition of the NOW and THEN image, seemed to offer an eloquent synthesis of the situation, but ultimately it is clear that all who clicked to share were duped. If the shortcut was not a trap, it was certainly a cul-de-sac.

Daniel Dugas
November 12, 2012

Footnotes

[1] Michelle Lawrence, Facebook Account, November 10, 2012
http://www.facebook.com/michelle.lawrence.92754
[2] The website 270 to win offers interactive maps of every presidential election since 1789. To put the maps in context the site also lists the major issues of the day.  http://www.270towin.com/ November 10, 2012
[3] Robert J. Vanderbei, Election 2004 Results: http://www.princeton.edu/~rvdb/JAVA/election2004/ November 10, 2012
[4] Mark Newman, Department of Physics and Center for the Study of Complex Systems, Maps of the 2012 US presidential election results : http://www-personal.umich.edu/~mejn/election/2012/
See also: 2012 U.S. Election Visualizations, Christopher G. Healey, Department of Computer Science, North Carolina State University http://www.csc.ncsu.edu/faculty/healey/US_election/
November 10, 2012

Nov 15, 2012
admin

Hélas ! Atlas !

english version here

Brume et réalité ! nuée et mappemonde !
Victor HUGO

KEYWORDS : visualisation, cartographie, cartogramme, Facebook, élection présidentielle 2012, Amérique violette

Récemment, en ouvrant mon compte Facebook, j’ai vu une image composée de deux cartes géographiques des États-Unis. La première carte illustrait les résultats des récentes présidentielles américaines [1]. On y voyait en bleu les états qui avaient voté pour les démocrates et en rouge les états républicains. La deuxième carte, datée de 1846, était une représentation des états abolitionnistes et esclavagistes avant le début de la guerre civile américaine.

Ce qui frappait au premier coup d’œil était l’apparente similarité des deux cartes, on aurait dit que la distribution des forces politiques était la même. Les états et les territoires abolitionnistes de 1846 correspondaient plus ou moins aux états démocratiques de 2012 alors que les états et territoires esclavagistes se retrouvaient dans le camp des gains républicains. L’effet était si prenant que j’ai immédiatement partagé l’image. Ce commentaire cartographique de Michelle Lawrence était accompagné de deux petites phrases : “Sometimes change is really hard especially when people don’t want to change. Just something to ponder.”

Effectivement, en examinant les deux cartes on a bien l’impression que rien n’a changé. Bref, comme le dit l’adage, plus ça change, plus c’est pareil.

Il y a dans les cartes géographiques quelque chose qui inspire le respect, un air de vérité, d’authenticité. Il est difficile de mettre en doute le réel proposé par une carte, c’est peut-être parce que nous une confiance cartographique innée. Quoi qu’il en soit, j’étais là devant cette image terrifiante d’un monde immuable, déçu d’avoir fait un si long voyage pour finalement être revenu au point de départ. Après quelques minutes, mon enthousiasme à partager s’est vite transformé en interrogation. Quel était le réel qui s’étalait devant moi ? Est-ce que le monde d’aujourd’hui est le même que celui d’hier ?

Afin de remettre le tout dans un contexte historique et de voir si l’électorat américain avait changé de position au fil du temps, je me suis mis à penser à d’autres élections présidentielles. Le raz-de-marée conservateur de Ronald Reagan de 1984 me revenait à l’esprit. Ce fut une victoire décisive des conservateurs qui n’avait épargné que le Minnesota et Washington, D.C. À l’autre bout du spectrum, il y a l’élection de 1936 où Franklin D. Roosevelt fut réélu triomphalement ne laissant aux républicains que deux petits états, le Maine et le Vermont. L’élection de Jimmy Carter en 1976 plaçait dans le camp démocrate tous les états du sud souvent associés aux républicains — une carte étrange, très différente de celle de 2012. [2]

J’avais de la difficulté à concilier toutes ces nouvelles cartes géographiques à ce discours d’immuabilité politique sous-tendu par la première image. Est-ce que les choses avaient ou n’avaient pas changées ? En regardant les résultats d’anciennes élections présidentielles, il est évident qu’il y a eu de nombreux changements, progressistes et conservateurs. Le problème avec le commentaire de Michelle Lawrence c’est qu’il est réducteur et racoleur et la difficulté de réconcilier ce qui est vu et ce qui est dit réside en partie dans l’utilisation de cartes qui ne parlent pas de la même chose. En nous présentant des images qui se ressemblent, elle nous offre une vision simplifiée du passé et du présent. Une vision tronquée, presque truquée de la réalité. On parle abondamment de l’Amérique polarisée et cette image vient soudainement témoigner de cette division. Si c’est la diversité du vote aux États-Unis qui nous intéresse, il faudrait, pour avoir une meilleure vue d’ensemble, consulter les cartes de l’Amérique violette (Purple America) [3] ou encore la surprenante série de cartogrammes des résultats des élections présidentielles de 2012 réalisée par Mark Newman de l’Université du Michigan. [4]

Cartogramme des élections présidentielles étatsuniennes-comté par comté, Mark Newman

Mais voilà, c’était fait, je venais, dans un élan d’enthousiasme irréfléchi (comme c’est souvent le cas sur internet), rejoindre 45 000 autres utilisateurs de Facebook qui venaient eux aussi de partager le commentaire. La proposition visuelle des deux images juxtaposée semblait de prime à bord offrir une synthèse éloquente, mais en fin de compte nous avons tous été dupés. Le raccourci n’était pas un piège, ce n’était qu’un cul-de-sac.

Daniel Dugas
12 novembre 2012

Notes
[1] Compte Facebook Michelle Lawrence, 10 novembre, 2012
http://www.facebook.com/michelle.lawrence.92754
[2] Le site internet 270 to win  offre des cartes interactives de toutes les élections présidentielles depuis 1789. Afin de remettre les cartes dans leur contexte, on dresse une liste des grandes questions de l’actualité de l’époque. http://www.270towin.com/ 10 novembre 2012
[3] Robert J. Vanderbei, Election 2004 Results: http://www.princeton.edu/~rvdb/JAVA/election2004/ 10 novembre 2012
[4] Mark Newman, Department of Physics and Center for the Study of Complex Systems, Maps of the 2012 US presidential election results : http://www-personal.umich.edu/~mejn/election/2012/
voir aussi : 2012 U.S. Election Visualizations, Christopher G. Healey, Department of Computer Science, North Carolina State University http://www.csc.ncsu.edu/faculty/healey/US_election/

 

Oct 16, 2012
admin

4e festival international de vidéopoésie “por la tierra” (2012)

Evanescencia a été sélectionné pour faire partie du 4e festival international de vidéopoésie POR LA TIERRA. L’événement, organisé par VideoBardo, aura lieu à Buenos Aires en Argentine du 27 novembre au 2 décembre 2012. La traduction est de Maria Fernanda Arentsen, que je remercie ici chaleureusement.


Évanescencia  (2012) 2:28 min

Synopsis : Quelle est cette épouvante, cette épouvantable époque d’évanescence dans laquelle nous vivons ? Tout s’efface rapidement, brusquement. Ce qui s’était posé devant le regard avec tant d’effervescence s’est enfui presque instantanément, a disparu en nous touchant.

Sinopsis: ¿Qué espanto es éste, espantosa época de evanescencia en que vivimos? Todo se disipa rápidamente, bruscamente. Lo que se había posado ante la mirada con tanta efervescencia huyó casi al instante, desapareció tocándonos.

 

Liste de la sélection

 

08 OCTUBRE 2012 (from: Videobardo)

Resultados Convocatoria Internacional de Videopoesía – VideoBardo 2012 / Results of International Videopoetry Open Call – VideoBardo 2012
Videos seleccionados para la programación del IV Festival Internacional de Videopoesí­a “por la Tierra”, del 27 de noviembre al 2 de diciembre 2012 en Buenos Aires (Argentina) /// Selected videos for the IV International Videopoetry Festival “for the Earth”, Buenos Aires (Argentina) from 27th november to 2nd december 2012

Por orden alfabético / In alphabetical order

– Alberto Roblest (Mexico), “Pulgarcito”
– Alisson Sbrana (Brasil / Brazil), “Profana Vía Sacra”
– Andrea Pagnes & Verena Stenke (Italia & Alemania / Italy & Germany), “Sin fin”
– Ángel Pastor (España / Spain), “Caigudes”
– Antonio Alvarado (España / Spain), “Mujeres fumadoras”
– Antonio Alvarado (España / Spain) “Mujer de materia gris”
– Art al Quadrat (España / Spain), “Sanación”
– Avanca – Carlos Silva (Portugal), “Terram, terra e mar”
– Bárbara de Azevedo (Brasil / Brazil), “Macro sobrevivencia”
– Bartolomé Ferrando (España / Spain), “Xifres”
– Blick (Francia / France) “Merci”
– Bridget Sutherland (Nueva Zelanda / New Zealand), “Twelve hours of daylight”
– Carola Reboredo (Argentina), “Challwa”
– Caterina Davinio (Italia / Italy), “The first poetry space shuttle landing on second life”
– César Espino Barros (Mexico), “Mystic Sex”
– Daniela Novoa Mahecha (Argentina), “Agua”
– Daniel Dugas (Canada), “Evanescencia”
– Danny Winkler & Emilia Loseva (Inglaterra & Rusia / UK & Russia), “Twelve haikus in lethargy”
– Diego Fiori (Italia / Italy), “Rebus”
– Dier (España / Spain), “Todos esos momentos se perderán”
– Eduardo Romaguera (España / Spain), “Pez”
– Eduardo Romaguera (España / Spain), “Captcha”
– Erdem Şimşek (Turquía / Turkey), “Remaining birds song”
– Erena Tarha (España / Spain), “Sueño tierra”
– Fausto Grossi (Italia / Italy), “Everything is possible… do it”
– Federico Tinelli (Italia / Italy), “Extra Heimat”
– Fiona Tinwei Lam (Canadá), “Aquarium”
– Fundación Hölderlin (Argentina), “Empédocles”
– Fundación Hölderlin (Argentina), “Las aventuras de Gatucho”
– Gabriela Alonso (Argentina), “Aguas del Rí­o de La Plata”
– George Aguilar (EE.UU. / USA), “Elegantly forbidden”
– Gerard Wozek & Mary Russell (EE.UU. / USA), “Apocrypha”
– Graciela Gutiérrez Marx (Argentina), “Arte Correo”
– Gruppo Sinestetico (Italia / Italy) “Homage to Joseph Beuys”
– Gustavo Schwartz (Argentina), “Madrecita”
– Gustavo Schwartz & Liliana Lukin (Argentina), “Lo que goteas”
– Henry Gwiazda (EE.UU. / USA), “The Process”
– Ignacio Mendia (Argentina) “Parásito polilla corazón”
– Jakob Kirchheim & Teresa Delgado (Alemania / Germany), “Terrorsounds”
– Jan Peeters (Bélgica / Belgium), “Meine heimat”
– John Bennet & Nicolas Carras (EE.UU. & Francia / USA & France), “4 short pieces”
– Jorge Daffunchio (Argentina), “Mímesis”
– Jorge Daffunchio (Argentina), “OK John, Paul… lo hice”
– Karina Vasquez, Paula Balfagon & Diego Gómez (Argentina), “Tiempo y diálogo”
– KirsiMarja Metsähuone (Finlandia / Finland), “Roam”
– Lisi Prada (España / Spain), “Un minuto de tregua”
– Lola López-Cózar (España / Spain), “Principios”
– Lucas Turturro (Argentina), “Cubicaja o del encierro”
– Luz Rapoport & Guadalupe Muro (Argentina), “Cactus”
– Mar Garrido (España, Spain), “La casa de la playa”
– Mark Sutherland & Paul Giaschi (Canadá), “The Abysmal Legacy of Metropolis”
– Markus Keim (Austria), “Vanishing Point”
– Mónica Barros (Chile), “Subtodo”
– Muriel Montini (Francia / France), “Les jeux d’énfants”
– Natalia Rizzo & Eduardo Basualdo (Argentina), “Un par de cositas nuestras”
– Natalija Ž. Živković (Serbia), “Inbreathe 2″
– Natalija Ž. Živković (Serbia), “The science about the street”
– Nicola Frangione (Italia / Italy), “Incorporalitá”
– Olga Tzimou (Grecia / Greece), “You cannot be known”
– Protasia & Agripino (España / Spain), “Las islas”
– Rafael Álvarez Domenech (Cuba), “Azelvizaje”
– Rafael Álvarez Domenech (Cuba), “Para Performance”
– Rafael Álvarez Domenech (Cuba), “Sin Título”
– Rainer Junghanns (Alemania / Germany), “GMT + The voyage in sequences”
– Ralph Kistler (Alemania / Germany), “Social Netwalks”
– Roberto Santaguida (Canadá), “Haikus of karaoke”
– Roberto Sechi (Brasil / Brazil), “H mudo”
– Roberto Sechi (Brasil / Brazil), “Soneto d’alcova”
– Rodolfo De Matteis (Italia / Italy), “Oda a la Tierra”
– Ruggero Maggi (Italia / Italy), “En los pliegues del tiempo y del espacio”
– Sarah Tremlett (Inglaterra / UK), “She / Seasons / Contemplating Nature”
– Slawomir Milewski (Polonia / Poland), “Ecstasy of St. Agnes”
– Sonia Bertotti (Argentina), “Puntada”
– Susanne Wiegner & Robert Lax (Alemania / Germany), “Just midnight”
– Tom Konyves (Canada), “All this day is good for”
– Video Out – Jennifer Campbell (EE.UU. / USA), “Precipitate”
– Video Out – Jennifer Campbell (EE.UU. / USA), “Point no point”
– Wei-Ming Ho (Taiwan), “The Art-Qaeda Project”
– Yael Rosenblut (Chile), “Escena pasional del arte”

 

Oct 16, 2012
admin

Biennale Internationale de Poésie Liège (2012)

Je reviens de Liège où j’ai participé à la Biennale Internationale de Poésie qui était cette année sous la présidence de Dany Laferrière. Il y avait une centaine de poètes du monde entier, des tables rondes, des débats, des lectures, des ateliers, des repas et évidemment du vin. Ce retour en Belgique était aussi l’occasion de revoir des amis, Luc Baba, Jean Loubry, Admiral Mahic, Pierre Schroven, Maxime Coton, mais aussi de faire de nouvelles rencontres, Emmanuelle Favier, Éric, Anaïs Laurent Nyuka. En plus j’ai eu la chance de suivre un atelier Slam avec Luc Baba et un autre de pose de voix avec Jean Loubry !

Un immense merci à La Maison Internationale de la Poésie Arthur Hulot, à Lucien Noullez, Romy Souery, Frédérique Longrée et tous les autres bénévoles qui ont fait un travail exceptionnel !


Récital Poétique « Des Voix venues d’ailleurs » Lucien Noullez au micro.


Table ronde : Poésie et interdisciplinarité. Initiator : Alice-Catherine Carls, Moderator : Jan Mysjkin.


Jan Mysjkin, Ioanid Doina, Pierre Dhainaut, photo Luc Baba

Sep 27, 2012
admin

Une Chance (2012)

Ce texte a été écrit dans le cadre des consultations publiques du Renouvellement de la politique culturelle 2012 au Nouveau-Brunswick.

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Un artiste ne peut attendre aucune aide de ses pairs.
Jean Cocteau

Les artistes sont les juges compétents de l’art, il est vrai, mais ces juges compétents sont presque toujours corrompus. Un excellent critique serait un artiste qui aurait beaucoup de science et de goût, sans préjugés et sans envie. Cela est difficile à trouver.
Voltaire

Si ces deux citations évoquent un certain malaise, la situation actuelle de l’artiste et de l’art pourrait être beaucoup plus sérieuse qu’on ne le pense. Les arts, quoiqu’on en dise, ne sont pas nécessaires à la survie de l’humanité. Ils sont peut-être indispensables à la survie de certains individus, j’en conviens et j’en suis un pour qui l’importance de l’art est essentielle, mais l’humanité est très peuplée. On se rappellera que les arts et la créativité se trouvent au sommet de la fameuse pyramide des besoins d’Abraham Maslow [1], si le sommet est une position enviable, la vue y est très belle, c’est malheureusement la représentation du besoin le moins pressant à combler. L’art semble être au-dessus, mais se trouve derrière les besoins d’appartenance, les besoins de sécurité du corps et de l’emploi, derrière les besoins physiologiques; manger, boire, dormir, respirer. Cette affirmation peut sembler cruelle, surtout pour les artistes qui persistent à créer contre vents et marées, mais elle reflète une cruelle vérité.

La beauté de la chose et la difficulté de la chose, c’est que les artistes feront ce qu’ils ou elles pensent devoir faire. On parle de vocations, de penchant impérieux qu’un individu ressent pour une profession. Quoi qu’on en dise, un artiste n’est pas comme un agent d’assurances, un analyste financier, un anthropologue, un anesthésiste réanimateur, un archéologue, un avocat, un cardiologue, un charcutier, un chef cuisinier, un concierge, un conseiller en toxicomanie, un démographe, un dentiste, un dynamiteur, un directeur du marketing, un économiste, un électricien, un facteur, un géologue, un historien de l’art, un infirmier, un ingénieur minier, un journaliste, un linguiste, un mathématicien, un négociateur en bourse, un pharmacien, un sapeur, un technicien en construction aéronautique, un téléphoniste, un traducteur ou un zoologiste. L’artiste est le seul qui soit prêt à faire son devoir sans rémunération. Personne d’autre n’est prêt à commettre une telle bêtise, aucune autre profession n’offre ça.

Il n’y a pas si longtemps un artiste qui exposait son travail dans une galerie s’attendait à recevoir un cachet CARFAC pour sa participation [2]. Ce temps est révolu, et ce même s’il y a une campagne publicitaire qui circule sur la toile et qui trompette : Je suis un artiste, ça ne veut pas dire que je travaille gratuitement. La fanfare perd un peu d’ardeur lorsqu’on réalise qu’en octobre 2011 la campagne de réélection de Barack Obama lançait un appel d’offres invitant des graphistes à faire don de leurs dessins pour une affiche [3]. Il y a de plus en plus d’artistes qui sortent des écoles d’art, toujours plus nombreuses, de plus en plus de demandes de bourses, d’expositions, de plus en plus d’effervescence. Ce bouillonnement d’activités coïncide avec l’émergence d’une nouvelle sensibilité de partage; on n’a qu’à penser aux conditions de réutilisation ou de distribution d’œuvres, établies par Creative Commons [4] ou encore le phénomène de l’externalisation ouverte (crowdsourcing) [5] . Dans le fond tout ça c’est excellent, le problème c’est que les administrations ne vont pas toujours au même rythme que les administrés. Comment rationaliser, comprendre d’une manière cohérente et logique la dynamique de développement d’un centre d’artiste autogéré qui reçoit plus de 200 demandes par année alors qu’il n’offre que 3 expositions ! Quelles sont les possibilités qui s’offrent aux artistes émergents ou encore à ceux et celles qui réémergent ? Nous vivons dans une société de concurrence et les arts font face à la même musique, à la même folie. La réalité, c’est qu’un artiste est maintenant heureux, bienheureux de participer à un événement, de faire partie d’une exposition, et ce même s’il n’y a pas de cachet, car on le sait maintenant, l’invisibilité tue.

Que peut-on faire devant une telle réalité ? Investir plus d’argent dans les arts ? Sûrement, c’est une solution, mais là n’est l’objet de mon intervention. Ce que j’aimerais suggérer ici, ce n’est pas une augmentation des budgets, c’est l’introduction d’un élément de flexibilité, de spontanéité dans le lourd appareil bureaucratique de l’administration des arts. Pour ceux et celles qui ont participé à un jury ou pour les agents des Conseils des Arts, il est évident que ce n’est pas toutes les bonnes demandes qui reçoivent des bourses. Il est toujours malheureux, en fait déchirant, de voir des projets de très grandes qualités tomber dans l’oubli et la négation. La solution que je propose est la suivante : que les Conseils des Arts réservent un pourcentage du budget total d’un jury, d’une compétition ou d’un programme, disons par exemple de 5 % d’un budget de 140,000 $ (7,000 $) et qu’ils procèdent à un tirage au sort avec les demandes qui se sont distinguées, mais qui n’auraient pas reçu de bourse. Cette façon de procéder ne réglerait pas tous les problèmes qui existent, mais donnerait la chance à quelqu’un qui n’en aurait pas eu. Cette chance me semble être quelque chose d’essentiel. Cocteau et Voltaire l’ont bien remarqué. Si les artistes ne peuvent pas toujours compter sur leurs pairs pour les aider, le hasard pourrait s’en charger.

Daniel Dugas
Moncton, 26 septembre 2012

Daniel Dugas porte plusieurs chapeaux, une calotte de poète, un bonnet de vidéaste, une casquette de musicien et un feutre de graphiste. Son travail est visible à www.daniel.basicbruegel.com

 

[1] Site officiel de Abraham Maslow: http://www.maslow.com/
Wikipédia Abraham Maslow: http://fr.wikipedia.org/wiki/Abraham_Maslow
[2] CARFAC: http://www.carfac.ca/
[3] Rolling Stone Magazine, TIM DICKINSON, Obama Solicits Designers to Work – Unpaid – on … Jobs Poster! http://www.rollingstone.com/politics/blogs/national-affairs/obama-solicits-designers-to-work-unpaid-on-jobs-poster-20111019
Voir, Art Works a poster contest to support American Jobs : https://my.barackobama.com/page/s/artworks-submission
Voir, Design for Obama: http://designforobama.org
[4] Creative Commons: http://creativecommons.org/
[5] Externalisation ouverte : Pratique qui consiste pour une organisation à externaliser une activité, par l’entremise d’un site Web, en faisant appel à la créativité, à l’intelligence et au savoir-faire de la communauté des internautes, pour créer du contenu, développer une idée, résoudre un problème ou réaliser un projet innovant, et ce, à moindre coût. Office québécois de la langue française, 2010

 

Sep 21, 2012
admin

Street / Screen Encounter (2012)

Write up of the MediaPackBoard experience / involvement with the World Portable Gallery Convention, Halifax, NS. Enjoy!

Sep 15, 2012
admin

MPB at the WPGC (2012)

World Portable Galleries Convention 2012

Halifax, NS

A collaborative work instigated by Daniel Dugas and Valerie LeBlanc

Here is a first glimpse at the project.  We will be adding to the documentation.

For the WPGC we assembled a bamboo ‘fishing pole’ and hooked up a mini-spy cam to it. Valerie put on the MPB and we stepped out to explore views of the city not readily visible to passersby. We talked with other pedestrians and pointed the camera into spaces that they were interested in examining. Several of the WPGC curators and Eye Level Members stepped out with us to try out the apparatus. As images were transferred from the spycam to the MPB monitor, we used a separate camcorder to record what the spycam saw.


With Michael McCormack (fishing pole) and Matthew Carswell (camera)


Michael Eddy (fishing pole) looking at the sign


Valerie LeBlanc carrying the MPB on Argyle St.


Michael Eddy lifting the fishing pole


In front of the Tony’s Pizza on Robie St., diners onlooking


Andrew McLaren on corner of Cunard and Robie, September 7 during the opening at the 161 Gallon Gallery

This project has been made possible with the support of artsnb

and EyeLevel Gallery and its funders

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Daniel H. Dugas

Artiste numérique, poète et musicien, Daniel H. Dugas a participé à des expositions individuelles et de groupe ainsi qu’à plusieurs festivals et événements de poésie en Amérique du Nord, en Europe, au Mexique et en Australie. Son treizième recueil de poésie « émoji, etc. » / « emoji, etc. » vient de paraître aux Éditions Basic Bruegel.

Daniel H. Dugas is a poet, musician, and videographer. He has participated in solo and group exhibitions as well as festivals and literary events in North America, Europe, Mexico, and Australia. His thirteenth book of poetry, 'émoji, etc.' / 'emoji, etc.' has been published by the Éditions Basic Bruegel Editions.

Date : Mars / March 2022
Genre : Poésie / Poetry
Français / English

émoji, etc. / emoji, etc.

Date: Mai / May 2022
Genre: Vidéopoésie/Videopoetry
Français/English

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