Vision poétique d’un endroit atypique (2018)
Le Regroupement des Éditeurs Franco-Canadiens (REFC)
par Alice Côté Dupuis
4 avril 2018
Vision poétique d’un endroit atypique
Partenaires dans la vie comme dans la création, les poètes Daniel H. Dugas et Valérie LeBlanc se spécialisent dans la vidéo-poésie depuis le milieu des années 1980. C’est en utilisant les images et le texte pour dire et évoquer que le couple nous propose un voyage poétique dans le Parc national des Everglades, aux États-Unis, dans Everglades, un ouvrage qui n’a toutefois rien du guide touristique, paru aux Éditions Prise de parole.
Les Everglades, en Floride : l’un des plus grands parcs nationaux des États-Unis, avec ses 1,5 million d’acres; une véritable rivière d’herbes à l’écosystème fragile, une zone humide importante où un système de rivières coule vers le sud-ouest de l’État. Il y avait certainement là de quoi inspirer au tandem Dugas-LeBlanc de nombreux textes et aussi, beaucoup d’images. C’est en juillet 2014 que les deux s’y rendent la première fois, après avoir été acceptés comme artistes en résidence; mois durant lequel ils multiplieront les explorations, tantôt avec une botaniste, tantôt avec un hydrologiste, toujours en étant impressionnés par la grandeur et la beauté de la nature.
Après avoir exploré l’ensemble du Parc, ce qui nous avait interpellé, c’était vraiment la présence humaine dans le paysage, que ce soient les interventions qui ont été faites au niveau de la canalisation, comme à Chekika, ou encore dans le milieu du Parc, où on retrouve par exemple une base de missiles construite dans les années 1960 durant la crise des missiles de Cuba, raconte Daniel H. Dugas, visiblement vivement marqué par cette expérience hors de l’ordinaire. Au terme de ce mois d’exploration, le couple a réalisé douze vidéo-poèmes ainsi que douze marches sonores qui sont disponibles pour écoute en ligne, sur le web, et après, on s’est dit que le but, ce serait de faire un livre avec tout ça, parce qu’on mélange images et textes, et le livre permet de véhiculer l’ensemble du projet d’une belle façon.
Leur inspiration est donc surtout venue de la présence humaine, mais aussi de la métaphore du marais, qui a toujours eu une connotation négative (en anglais, quand on est super occupés, on dit qu’on est swomped ou en français, tu as tellement de travail que tu es submergé) mais qui, raconte le poète, est au fond l’une des plus grandes éponges naturelles qui filtre l’eau. C’est vraiment important et incroyable en même temps, alors on a voulu jouer là-dessus, sur la métaphore du marais, du marécage, mais on a aussi voulu souligner l’influence de l’être humain sur la nature. Mais je crois que malgré tout, il y a aussi l’aspect de la vivacité et de la résilience de la nature qui ressort dans le livre, ajoute celui qui a été marqué par l’immensité du lieu, qu’il qualifie de grande force de la nature sur la planète.
Dans le livre, l’accent est sur les images et les textes qu’on a fait, mais surtout sur les liaisons entre les deux. C’est poétique, nous rappelle Valérie LeBlanc, qui elle, a été frappée par la grande paix et la tranquillité qu’elle a retrouvées dans cet environnement particulier, où beaucoup d’animaux – dont plusieurs dangereux, comme des pythons – rôdent aussi. Les artistes, comme les poètes qui utilisent des mots qui sont dans le dictionnaire, utilisent du visuel qui existe dans la nature et les transforment pour dire des choses, comme les poètes transforment des mots pour aussi dire des choses, illustre Daniel H. Dugas pour expliquer leur travail de surimpression et de transformation des images dans leurs vidéo-poèmes.
Pour le tandem, l’image, tout comme le mot, suggère et évoque : les métaphores et autres procédés existent aussi dans l’art visuel. Nous sommes tous les deux impliqués dans le texte et l’image, depuis plusieurs années; c’est notre spécialité. Les mots amènent des images aussi, avance Valérie LeBlanc, tandis que son partenaire insiste sur l’interrelation entre le texte et l’image dans leur œuvre : entre le texte et l’image, il y a toujours un va-et-vient de l’œil, et aussi de l’imaginaire. Les deux se complètent, s’entrecroisent, se propagent; il y a quelque chose qui se passe au niveau de l’interaction entre les deux. Daniel H. Dugas trouve d’ailleurs que c’est là que réside l’intérêt pour le lecteur : le fait de devoir, en quelque sorte, remplir les cases blanches entre le texte et l’image et imaginer les morceaux qui manquent.
Cité en exemple, le vidéo-poème The Hole in the Donut, à propos d’une forêt d’une trentaine d’acres dans le Parc national qui a été rasée jusqu’à la roche en raison d’une espèce envahissante qui a fait des dommages au lieu, pour lequel Dugas et LeBlanc ont surimprimé des images de topiaires – des animaux sculptés dans de la verdure – qui surgissent de la roche pour prendre position sur un terrain qui semble hostile. Ça représente l’interférence humaine, le changement que les humains veulent imposer sur la nature, explique Valérie LeBlanc, avant de citer un autre exemple : le texte La mort le matin, écrit à la mémoire du premier garde forestier du Parc à protéger les oiseaux à plumes, en raison du braconnage au début du XXe siècle. En prenant des images sous-marines de la baie de la Floride et en surimprimant des images de femmes avec des chapeaux de mode à plumes, la paire envoie un message plutôt clair.
Sur La dernière panthère, une des marches sonores de cet ouvrage bilingue français-anglais, les deux posent aussi des questions sur l’existence des humains en parallèle avec celle des animaux sauvages, et comment on négocie la présence de chacun. Finalement, si Everglades n’est pas un guide touristique, il est certain qu’il permet néanmoins de découvrir d’un point de vue très singulier cet endroit atypique, et de faire réfléchir le lecteur à l’importance de la diversité humaine et naturelle. Mais ce que Valérie LeBlanc souhaite que leur livre évoque, c’est surtout que l’environnement a beaucoup à offrir. Il faut prendre le temps de tout voir réellement; c’est important d’être vraiment là, dans le moment présent, d’observer et de s’imprégner.
L’ouvrage de poésie texte-images Everglades, de Daniel H. Dugas etValérie LeBlanc, est paru aux Éditions Prise de parole.
http://refc.ca/56-everglades-de-daniel-h-dugas-et-valerie-leblanc/
Everglades: quand la poésie se porte à la défense de la nature (2018)
Par SYLVIE MOUSSEAUmardi 3 avril 2018
Acadie Nouvelle
Véritable ode à la beauté et à la fragilité de l’environnement, le livre Evergladesde Daniel H. Dugas et Valérie LeBlanc qui allie photographie, poésie, récits narratifs et analyse nous transporte au cœur d’une nature menacée et marquée par le présence de l’être humain.
Les régions marécageuses constituent une source d’inspiration pour les artistes depuis longtemps. Dans cet essai poétique publié en français et en anglais chez Prise de parole, les auteurs de Moncton retracent en photo et en poésie leur expédition à travers le parc national des Everglades dans le sud de la Floride, tout en mettant en lumière leur approche artistique. Il figure parmi les plus grands parcs nationaux des États-Unis, avec 1,5 million d’acres. Le tandem d’artistes s’est attardé à la présence humaine et à son interaction avec l’environnement du parc.
«L’être humain est le pire des envahisseurs. C’est ce qui menace le plus la survie des espèces», a soulevé Daniel H. Dugas.
Malgré les efforts de restauration pour protéger l’écosystème du sud de la Floride, en 2010, l’UNESCO a remis les Everglades sur la liste des sites en péril. Valérie LeBlanc souligne que toute la canalisation des eaux construites dans le sud de la Floride a considérablement nui à la faune et à la flore de la région. Dans un des textes, Daniel H. Dugas et Valérie LeBlanc comparent les Everglades à un sablier, chaque grain de sable étant un animal.
«Nous le regardons se vider un battement d’aile à la fois un coup de nageoire à la fois. Quand la dernière espèce aura disparu que restera-t-il à documenter?» (extrait tiré du poème Une heure).
Le livre qui se déploie en trois volets rassemble des images traitées tirées de 12 vidéos poétiques, des poèmes, des récits, les photographies de 12 marches sonores et une section qui vient documenter le parcours des deux artistes. À la fois écrivains, poètes, artistes numériques, vidéastes et photographes, Valérie LeBlanc et Daniel H. Dugas livrent un ouvrage complet d’une belle ampleur qui documente toute la recherche qu’ils ont menée depuis quatre ans. Ces deux artistes qui forment aussi un couple dans la vie travaillent ensemble depuis de nombreuses années.
Fortement inspirés par les Everglades, ils ont commencé leur projet en 2014, lors d’une résidence d’un mois dans le parc au milieu de l’été. Dans ce climat subtropical, juillet est synonyme d’extrême chaleur, d’humidité et d’abondance de moustiques. Munis de leur caméra et vêtus d’habits antimoustiques, ils ont arpenté plusieurs régions du parc et des environs afin de créer leurs vidéos poétiques.
«Ce qui nous intéressait à chaque endroit, c’était la présence humaine que ce soit des ruines d’un ancien lieu, l’impact de l’être humain ou encore ce qu’ils font maintenant. On peut voir, entre autres, un lieu qui s’appelle Hole-in-the-Donut où il y avait une plante exotique – le Poivrier brésilien – qui a envahi le parc et les botanistes ont tout éradiqué la plante jusqu’à la pierre.»
Des ambassadeurs
Les deux artistes documentent la situation de façon poétique et visuelle. Le résultat est étonnant. Selon eux, l’art apporte un éclairage différent dans le discours environnemental et permet à la fois de montrer la fragilité et la résilience de la nature.
Le vidéopoète utilise différents procédés pour traiter l’image et ainsi créer des métaphores visuelles. Les marches sonores se basent davantage sur l’audio et les textes sont plus narratifs. Les deux artistes sont retournés à plusieurs reprises en Floride. Ils ont présenté leurs projets, leurs vidéos et ont participé à une exposition. Après les vidéos, ces deux spécialistes de l’art numérique ont eu envie de publier un livre, afin d’avoir un document permanent.
«On travaille beaucoup dans le numérique, ça dure un certain temps et après, ça passe, tandis qu’un livre on peut le garder tous les jours», a mentionné Valérie LeBlanc.
Le couple travaille à plusieurs projets géopoétiques, dont un sur la biosphère de la baie de Fundy. Daniel H. Dugas souligne qu’il y a plusieurs parallèles à faire avec les Everglades.
«Avec Fundy, on voulait faire un projet dans le lieu où nous vivons. Il y a quand même des liens intéressants avec la Floride, comme les oiseaux migrateurs, les courants marins, la fin des ouragans.»
Ce projet de vidéos poétiques devrait être complété d’ici la fin de l’année 2018 ou au début 2019.
«Avec ça, nous avons découvert beaucoup d’endroits que nous ne connaissions pas avant. Ce sont des endroits spectaculaires et on veut les montrer dans les vidéos», a ajouté Valérie LeBlanc.
Tiré en quantité limitée, le livre Everglades qui est disponible en librairie sera lancé le 26 avril, de 17h à 19h, à l’Hôtel Delta Beauséjour dans la cadre du Festival Frye à Moncton. Il y aura aussi un lancement à Miami en novembre prochain. À la suite du lancement à Moncton, tous les vidéos seront disponibles en ligne pour le public.
Everglades – lancement (2018)
Les Éditions Prise de parole vous invitent à célébrer la parution de Problème trente, de Thierry Dimanche, et d’Everglades, de Daniel H. Dugas et Valerie LeBlanc.
Le lancement suivra le spectacle Sols et sous-sols, qui réunira musique contemporaine, poésie et arts visuels. En deux parties, le spectacle donnera à voir et à entendre des prestations des auteurs, du concepteur visuel Patrick Harrop, du compositeur Robert Lemay et du quatuor de saxophones Proteus. Plus de détails ici.
(Une présentation des Concerts de musique contemporaine 5-Penny.)
Le samedi 17 mars, au Théâtre du Nouvel-Ontario.
19 h 30 – Sols et sous-sols
21 h – Lancement
Les billets du spectacle (23$ pour les adultes et 17$ pour les étudiants) sont en vente à la billetterie du TNO.
Entrée libre au lancement.
Daniel H. Dugas
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